Grèce : en attendant le référendum, les négociations au point mort

29.06.Grece.Athenes.drapeau.GERARD JULIEN  AFP.1280.640
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CRISE DE LA DETTE - La conclusion d'un accord politique d'ici mardi soir s'éloigne, forçant Athènes à instaurer un contrôle des capitaux pour éviter un mouvement de panique. La Commission européenne s'invite dans le débat.

Réveil difficile pour les Grecs, qui ont découvert lundi matin que leur pays se rapproche dangereusement du gouffre. La semaine qui commence est celle de tous les dangers : le plan d'aide européen doit s'arrêter mardi soir et les négociations pour le prolonger sont au point mort. Selon une gouvernementale grecque citée par Reuters lundi, le pays ne remboursera pas le FMI mardi.

Les créanciers (FMI, Union européenne et BCE) ont proposé vendredi d'accorder 15,5 milliards de crédits supplémentaires à Athènes, en contrepartie de réformes drastiques. Mais Alexis Tsipras a créé la surprise ce weekend, en annonçant soumettre ces réformes à un référendum dimanche prochain. Le Premier ministre grec défend le "non" aux réformes et demande un nouvel accord, mais la Commission européenne entre en campagne pour le "oui".

Face à une telle incertitude, la panique frappe les Grecs de plein fouet. Depuis la semaine dernière, des milliers de personnes ont décidé de retirer leur argent des banques. Pour éviter une crise des liquidités, le gouvernement a annoncé dimanche un contrôle des capitaux, une limitation des retraits à 60 euros jusqu'au 7 juillet minimum et une fermeture ponctuelle des banques.

Les principales informations à retenir :

• Les négociations sont au point mort alors que le temps presse : le plan d'aide à la Grèce se termine mardi à minuit

• En attendant le référendum de dimanche, Athènes a instauré un contrôle des capitaux

Anticipant un échec des négociations, les places financières plongent

• La Commission et Athènes mènent campagne l'un contre l'autre pour convaincre le peuple grec

• Les appels à la reprise des négociations se multiplient... Obama s'y met aussi

La Grèce instaure un contrôle des capitaux. Parce que la perspective d'un défaut de paiement ou d'une sortie de la zone euro pourrait provoquer une panique bancaire et faire vaciller des banques grecques déjà fragiles, le gouvernement a donc décidé d'instaurer un contrôle des capitaux jusqu'au 6 juillet. En clair, les retraits et transferts d'argent sont limités pour une semaine, le temps que le pays sache où il va. La Banque centrale européenne a également décidé de maintenir les banques sous perfusion jusqu'à la fin des négociations avec ses créanciers, via son système de prêts d'urgence.

Une incertitude qui rend les marchés fébriles. Les Bourses européennes ont lourdement chuté lundi, plombées par les craintes de voir la Grèce sortir de la zone euro et être placée en faillite. La Bourse de Paris a perdu 3,74% points à 4.869,82 points, dans un volume d'échanges soutenu de 6,1 milliards d'euros. Toutes les valeurs du CAC 40 ont baissé, banques en tête. Londres a terminé en forte baisse de 1,97%. Francfort a elle aussi accusé le coup : l'indice vedette Dax a clôturé en forte baisse de 3,56%. La Bourse de Madrid a décroché de 4,56% et Milan a lâché 5,17%. 

Hollande (et Obama) aux manettes.  François Hollande a réuni lundi matin un Conseil restreint pour faire le point sur le dossier grec. S'il dit "regretter" la décision du gouvernement grec "d'interrompre les négociations en cours", le président français a rappelé à la fin de cette réunion que "c'est son choix souverain, (...) c'est la démocratie, (...) c'est le droit du peuple grec de dire ce qu'il veut pour son avenir. L'enjeu, il sera fondamental, c'est de savoir si les Grecs veulent rester dans la zone euro", ou "s'ils prennent le risque d'en sortir". Quand à l'économie française, elle n'aurait rien à craindre, elle "est robuste, bien plus robuste qu'il y a quatre ans et elle n'a rien à craindre de ce qui pourrait se produire".

26.06.Grece.euro.argent.monnaie.PHILIPPE HUGUEN  AFP.1280.640

 

Après avoir déjà conversé dimanche avec Angela Merkel, le président américain Barack Obama s'est également entretenu lundi avec son homologue français, tous deux convenant, selon Paris, "de conjuguer leurs efforts pour favoriser une reprise des discussions". Selon Washington, en effet, une faillite de la Grèce risque en effet d'avoir un puissant effet domino : les marchés risquent de spéculer sur les pays les plus fragiles de la zone euro, en se servant du "Grexit" pour faire bondir leur taux d'intérêt. 

Des négociations dans l'impasse... jusqu'au référendum ? Depuis cinq mois, l'enjeu est toujours le même : Athènes doit commencer à rembourser l'argent qui lui a été prêté au plus fort de la crise mais ses caisses sont vides. La Grèce compte donc sur le plan d'aide mis en place par ses créanciers pour se faire prêter des liquidités. Sauf que ces derniers refusent prêter plus sans garantie de réformes solides et immédiates : hausse de la TVA, réforme du régime de retraite etc. Les Européens "ont fait à Tsipras une offre qu'il ne pouvait pas accepter, et l'ont sans doute fait sciemment", résume Paul Krugman, prix Nobel d'économie, dans un billet publié dans le New York Times. D'après l'économiste, "l'ultimatum (des créanciers) était une stratégie pour remplacer le gouvernement grec".

Le gouvernement Tsipras estime que cette politique d'austérité imposée de l'extérieur, qualifiée "d'antisociale", est allée trop loin et se révèle contre-productive. Il réclame la négociation d'un nouvel accord . "Notre côté, le côté grec, voulait un accord. On a déjà fait beaucoup de concessions, dont quelques unes très pénibles. J’envisageais que nos partenaires feraient la même chose, malheureusement, cela ne s’est pas passé comme cela. Du coup, nous sommes pratiquement devant un ultimatum que nous ne pouvons pas accepter", a ainsi souligné le ministre grec de la Fonction publique et de la Réforme administrative, Georgios Katrougalos, lundi matin sur Europe 1. C'est ce qui a conduit Alexis Tsipras à convoquer un référendum, qui semble désormais la prochaine étape avant la reprise des négociations. 

Les institutions européennes, elles, laissent la porte des négociations ouvertes. "Il faut qu'on continue à discuter" car il existe encore "des marges pour la négociation", a ainsi déclaré lundi Pierre Moscovici, commissaire européen chargé des Affaires économiques. "Si après le référendum, le gouvernement grec demandait à reprendre les négociations, naturellement nous ne nous y opposerions pas", a également déclaré Angela Merkel lors d'une conférence de presse à Berlin. 

Athènes et Bruxelles en campagne l'une contre l'autre. Sur le référendum, la chancelière allemande refuse de donner des consignes de vote "aux citoyens grecs responsables". En revanche, certains ne se sont pas privés d'intervenir dans la campagne. Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, est en effet sorti de sa réserve pour "demander aux Grecs de voter oui" aux réformes proposées par les créanciers. Les créanciers ne proposent ni "un paquet d'austérité stupide", ni une "baisse des salaires et des retraites", a martelé Jean-Claude Juncker lors d'une conférence de presse.

Contre-attaque d'Athènes : "la preuve nécessaire de bonne foi et de crédibilité dans une négociation est la sincérité", selon les mots du porte-parole du gouvernement. "Sincérité" qu'il ne prête visiblement pas aux créanciers.

Selon un sondage Kapa research pour l'hebdomadaire Vima, réalisé avant l'annonce du référendum, 47,2% des Grecs sont pour un accord et 33% contre, 19,8% ne se prononçant pas. Un second sondage, de l'institut Alco, donne lui aussi l'avantage aux partisans d'un accord avec l'Europe, à 57% contre 29%.