Grèce : le ton monte et le temps presse

 LOUISA GOULIAMAKI/AFP
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avec agences , modifié à
BRAS-DE-FER - Le dossier grec est toujours dans l’impasse : la réunion de jeudi a viré au dialogue de sourds, chaque partie campe sur ses positions.

A force de voir les réunions d’urgence se succéder sans déboucher sur le moindre accord, la rencontre organisée jeudi soir entre la Grèce et ses créanciers pourrait paraître presque banale : elle n’a, comme les précédentes, permis aucune avancée. Sauf que ce n’était pas n’importe quelle réunion mais l’une des dernières avant que la Grèce ne doive rembourser près de 1,6 milliard d'euros au FMI puis 3,5 milliards à la BCE en juillet. Mais rien n’y fait : malgré l’imminence d’une sortie de route, la Grèce et ses créanciers n’arrivent pas à s’entendre, chacun jouant la montre pour faire plier l’autre. Une nouvelle rencontre est prévue lundi.

Une réunion pour quoi faire ? Les enjeux sont toujours les mêmes : la Grèce n’a plus d’argent dans ses caisses alors qu’elle est censée rembourser progressivement des milliards d’euros à ses créanciers. Athènes est pourtant censée bénéficier d’une tranche d’aide de 7,2 milliards d'euros, sauf qu’elle n’a pas mené les réformes qu’elle s’était engagée à faire en échange. Depuis février 2015, la source du problème est donc toujours la même : la Grèce réclame le versement de cette aide mais refuse de mener les réformes demandées, estimant qu’elles sont antisociales alors que le gouvernement a été élu sur un programme mettant fin à l’austérité. En face, ses créanciers estiment avoir déjà fait assez de concessions, notamment sur l’objectif d’excédent primaire, et demandent à la Grèce de faire sa part du chemin vers un compromis. Et eux aussi jouent la montre, estimant qu'Athènes devra plier lorsqu'elle n'aura plus aucune liquidité. Mais le nouveau round de négociation organisé jeudi n’a pas permis de faire bouger les lignes.

"On approche de la fin de partie". Réunis jeudi à Luxembourg à l’occasion d’un Eurogroupe, tous les acteurs du dossier ont en effet continué à jouer la même partition. Athènes, qui estime ne plus avoir grand-chose à perdre, continue à refuser de nouvelles économies en espérant que ses créanciers, effrayés par un possible défaut de paiement grec et ses conséquences pour le reste de la zone euro, aillent dans son sens. "Nous sommes dangereusement proches de l'état d'esprit où l'on accepte un accident" sur la dette, a ainsi déclaré  le ministre grec des Finances, Yanis Varoufakis, avant d’ajouter : "j'ai demandé à mes collègues de ne pas accepter une telle façon de penser".

En face, le FMI et le reste de la zone euro campent également sur leurs positions. Du côté du FMI, on refuse d’accorder à Athènes un traitement de faveur qui pourrait créer un précédent, et on commence surtout à perdre patience. D’où la sortie acerbe de Christine Lagarde estimant que "l'urgence est de rétablir le dialogue, avec des adultes dans la pièce".

Du côté des institutions européennes et des autres membres de la zone euro, le ton est plus policé mais l’impatience transparaît. D’autant que l’Europe a, elle, fait des concessions : elle a accepté de donner plus de marges de manœuvres budgétaires à Athènes (l’usage de l’excédent primaire) et la BCE multiplie les manœuvres pour éviter aux banques grecques une asphyxie financière. Les Européens estiment donc avoir joué le jeu et attendent désormais qu’Athènes fasse de même. "Nous sommes dans ce moment où on approche de la fin de partie", a résumé Pierre Moscovici, le commissaire européen chargé des Affaires économiques. "Nous nous préparons à toutes les éventualités", y compris celle du défaut de paiement, possible prélude à un "Grexit", la sortie de la Grèce de la zone euro, a renchéri Jeroen Dijsselbloem, le patron de l'Eurogroupe.

Une nouvelle réunion d’urgence lundi. En attendant qu’une des deux parties fasse des concessions, les négociateurs n’ont d’autre choix que de multiplier les rencontres : une nouvelle doit d’ailleurs se tenir lundi à Bruxelles. "Il est temps de discuter de façon urgente de la situation de la Grèce au plus haut niveau politique", a déclaré Donald Tusk, le président du Conseil européen, qui représente les Etats de l'UE, en annonçant l'organisation, lundi soir, d'un sommet exceptionnel de la zone euro.

Dans la perspective de cette nouvelle rencontre, la partie de pokeur menteur a repris, marquée depuis le début par une alternance entre déclarations conciliantes et attaques frontales. La Grèce a ainsi entamé ce nouveau round par la voix de son Premier ministre. "Le sommet des dirigeants lundi est un
développement positif sur la voie d'un accord", a déclaré vendredi Alexis Tsipras, avant d'ajouter : "tous ceux qui parient sur une crise et des scénarios catastrophe ont tort. (...) Il y aura une solution fondée sur le respect des règles de l'UE et de la démocratie qui permettra à la Grèce de retrouver la croissance dans l'euro". François Hollande lui n'a pas tardé à lui emboiter le pas en appelant à "tout faire" pour parvenir à un "compromis". En attendant le prochain regain de tension et ses déclarations moins policées ?