Grande distribution et producteurs : les dessous des foires aux vins

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Pauline Jacot, édité par A.H.
Pommard, Meursault, Moulin à vent ou Pessac… C'est le grand retour des foires aux vins cette semaine. Pour les viticulteurs, les critères à remplir sont nombreux.
L'ENQUÊTE DU 8H

Jour J pour les supermarchés… La semaine des foires aux vins est lancée. De plus en plus populaires, elles se développent partout, dans toutes les grandes surfaces. En deux semaines, elles réalisent quelquefois 20% de leurs ventes de vins à l’année. Comment se préparent ces foires aux vins en coulisses ? 

Des appels d'offres envoyés aux producteurs. Un an, voire un an et demi avant la date de la foire aux vins, les grandes surfaces lancent un appel d'offre aux producteurs, afin de sélectionner les centaines de bouteilles de vins qui se retrouveront dans les rayons. Lidl, par exemple, va envoyer des centaines de mails, une sorte de liste de courses très précise, à des viticulteurs. L'enseigne de hard-discount va par exemple indiquer qu'elle désire un bordeaux médaillé, entre 5 et 7 euros, pour une quantité de 20.000 bouteilles. 

Des agents pour négocier. Les producteurs répondent ensuite à ces appels d’offres, très souvent via des intermédiaires, car il n'est pas toujours simple de comprendre le cahier des charges. "Le premier critère est qualitatif. Les vins sont dégustés par des comités, notamment composés de sommeliers. Ensuite, il faut avoir des étiquettes très lisibles, pas trop surchargées. Le type de bouteille peut également entrer dans le cahier des charges. On y passe beaucoup de temps, et c'est plus facile de passer par ces intermédiaires qui connaissent bien la filière et les appels d'offres à remplir", explique un vigneron du Val-de-Loire (il souhaite garder l'anonymat) qui, pour sa première foire aux vins, a fait appel à un agent. 

Des risques réels pour les viticulteurs. En participant à ces foires aux vins, les producteurs prennent évidemment le risque de ne pas maîtriser la distribution. Cette année par exemple, le producteur du Val-de-Loire qu'Europe 1 a interrogé a passé un contrat avec un grand groupe pour la foire aux vins. Finalement, il s’est retrouvé distribué dans l'enseigne low-cost de ce groupe. L'autre risque en baissant les prix, c'est de casser l'image du viticulteur auprès des cavistes qui les distribuent toute l'année. Certains ont trouvé la parade, comme Stéphanie, viticultrice dans le Loiret. Elle a choisi un système radical : une double étiquette pour un même cru. "Certains savent que ce sera le même vin, mais il y en a peu", confie-t-elle. La pratique, parfaitement légale, est assez répandue. 

Certaines grandes surfaces se contentent par ailleurs de poser une option sur un nombre donné de bouteilles, sans payer le vigneron. Si quelques mois plus tard, avant la foire, elle n'a plus besoin de 20.000 bouteilles, mais de 15.000, elle paiera pour les 15.000. Le vigneron se retrouvera alors avec 5.000 bouteilles sur les bras.

Un événement avantageux malgré tout. Si le pari reste risqué, ces foires aux vins restent très intéressantes pour les viticulteurs. "Le tout, c'est de ne pas se faire bouffer", résume un ancien acheteur de chez Monoprix. Ces événements sont une manière d’écouler du stock, d'avoir de la visibilité au niveau national, et de s'essayer au marché de la grande distribution. La foire aux vins peut être un moyen d'être référencés à l'année dans les rayons.