Faut-il supprimer les 35 heures à l'hôpital ?

La Fédération hospitalière de France plaide pour un assouplissement des 35 heures.
La Fédération hospitalière de France plaide pour un assouplissement des 35 heures. © MAXPPP
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DÉBAT - La Fédération hospitalière de France lance un appel pour assouplir les règles du temps de travail. Un faux problème ?

"La question du temps de travail ne peut plus être taboue". Tel est le diagnostic livré jeudi par le président de la Fédération hospitalière de France (FHF). Frédéric Valletoux a plaidé la cause d'un assouplissement du régime des 35 heures à l'hôpital, jeudi, devant une commission de l'Assemblée consacrée à la question.

Un système "ingérable". Dans une enquête dévoilée jeudi par Le Parisien-Aujourd'hui en France, la FHF a réalisé un état des lieux auprès de 152 établissements. Douze ans après la mise en place des 35 heures à l'hôpital, le constat de la FHF est sans appel : organisation hétérogène, impact financier majeur, dégradation des conditions de travail… "Le nombre de jours travaillés a diminué (à cause des RTT) et l'ensemble des postes n'est pas pourvus. Les agents peuvent donc être rappelés pendant leurs congés, ils changent de plannings régulièrement, réalisent des heures supplémentaires non régulées", déplore la Fédération, parlant d'un système "ingérable".

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Les hôpitaux multiplient aussi les dérogations pour autoriser les vacations de 12 heures consécutives, ce qui permet de réduire le nombre de jours travaillés, au détriment du personnel de nuit pour qui la pénibilité est alourdie. "L'absentéisme n'a pas diminué, la pénibilité a augmenté, si bien qu'il y a de la souffrance au travail. Les cadres de santé s'arrachent les cheveux à faire des plannings. Il faut redonner de l'oxygène au système", dénonce encore Frédéric Valletoux.

Hôpital

Une économie possible de 413 millions. Sur les 37.000 emplois non médecins qui devaient être créés avec les 35 heures, 32.000 seulement l'ont été. En outre 24% des postes de praticiens sont aujourd'hui vacants, d'où un recours accru à l'intérim médical, particulièrement coûteux. Et c'est là l'un des arguments principaux de Frédéric Valletoux. Selon lui, instaurer un plafond de 15 RTT par an permettrait de dégager 640.000 journées de travail par an et d'économiser 413 millions d'euros.

"Le système de santé, et les hôpitaux en particulier, doivent participer à hauteur de 5 milliards d'euros à la maîtrise des dépenses publiques, on ne le pourra pas sans ouvrir des réformes structurelles", estime le président de la FHF. Selon lui, il faudrait alors compenser cette diminution des RTT par des journées moins longue (entre un quart d'heure ou une heure en moins).

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Les 35 heures : "une bouffée d'oxygène". Mais du côté du personnel, tout le monde ne partage pas cet avis. Et pour beaucoup, les 35 heures ne sont pas le problème. "Les infirmières et le personnel hospitalier sont sous pression. Les RTT représentent une bouffée d'oxygène", rétorque ainsi Anne Gervais, membre du mouvement de défense des hôpitaux publics, contacté par Europe1.fr. "Cette proposition, qui vise à aligner tout le monde vers le bas, sera vécue comme une provocation", renchérit Christian Prudhomme, de la CGT-Santé.

Il faut "une révolution mentale". L'ensemble des organisations de défense du personnel est unanime pour dire que le principal problème, c'est le manque de personnel. Mais en ces temps de disettes économiques, "l'embauche n'est pas d'actualité" reconnaît le docteur Anne Gervais. Pour autant, la proposition de la FHF ne va pas dans le bon sens. "Cela donnerait de l'oxygène aux finances, mais sûrement pas à l'organisation hospitalière", estime-t-elle. "Le premier problème, c'est l'absence de coopération dans le travail. La bonne solution serait de faire participer un peu plus le personnel à l'organisation des plannings", préconise-t-elle. Et de conclure : "on ne peu pas embaucher, d'accord. Mais on peut essayer de rendre l'hôpital plus vivable. Ce qui nécessite une révolution mentale".