États-Unis : sous la pression de Donald Trump, les constructeurs automobiles s'organisent

Chrysler va investir un milliard de dollars en 4 ans aux États-Unis et créer 2.000 emplois.
Chrysler va investir un milliard de dollars en 4 ans aux États-Unis et créer 2.000 emplois. © BILL PUGLIANO / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
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Clément Lesaffre , modifié à
A quelques jours de l’entrée en fonctions de Donald Trump, les constructeurs automobiles s’organisent face aux menaces de sanctions du président élu.

Branle-bas-de-combat chez les constructeurs automobiles. A 11 jours de l’investiture de Donald Trump, les constructeurs américains et mondiaux se préparent au changement. Depuis le début de l’année, le futur président des États-Unis a pris pour cibles les géants de l’automobile avec un leitmotiv : "Fabriquez aux États-Unis ou payer une lourde taxe frontalière".

Libre-échange néfaste. Donald Trump veut remettre en cause l’Alena, l’accord de libre-échange qui lie États-Unis, Canada et Mexique. Ce traité prévoit notamment que si au moins 65% des pièces d’un véhicule sont originaires d’un de ces trois pays, alors celui-ci peut être vendu sur le territoire américain sans aucune taxe d’importation. Résultat, plusieurs constructeurs ont délocalisé une partie de la production destinée aux États-Unis au Mexique, où le coût du travail est bien moins élevé. Pour le président élu, cela a contribué à détruire des millions d’emplois industriels, notamment à Detroit, ex-"Motor City" progressivement désertée par les constructeurs.

General Motors dans le viseur.Trump a d’abord ciblé, dans un tweet, General Motors, le premier groupe automobile américain. Il l’accuse de produire des berlines dans ses usines au Mexique pour les vendre aux États-Unis – "GM" importe également depuis 2016 des voitures assemblées en Chine et paye les taxes d’importation. Malgré un démenti du groupe concernant ces accusations, Donald Trump a réussi, dans son style caractéristique, à envoyer un message clair aux constructeurs : si la production n'est pas relocalisée, alors les constructeurs devront payer des taxes supplémentaires.

Ford fait marche arrière. Quelques heures à peine après le tweet de Donald Trump, Ford annonçait renoncer à un investissement de 1,6 milliard de dollars au Mexique pour y installer une usine dotée de 2.800 emplois. Finalement le deuxième groupe automobile américain va consacrer 700 millions de dollars pour augmenter les capacités de son usine de Flat Rock dans le Michigan et créer 700 nouveaux emplois. Seule la production de la Ford Focus sera délocalisée au Mexique mais "environ 3.500 emplois aux États-Unis" seront préservés. Le PDG de Ford nie avoir conclu un accord avec Donald Trump, affirmant avoir "fait ce qui est bon pour les affaires".

Volkswagen et Chrysler font des concessions. Quelques jours plus tard, c’était au tour de Volkswagen de faire preuve de bonne volonté. Le patron du constructeur allemand Herbert Diess a certes confirmé le maintien de la production de plusieurs véhicules au Mexique mais il s’est engagé à fabriquer ses véhicules électriques aux États-Unis. S’il a assuré ne pas craindre les menaces de Donald Trump, Herbert Diess a toutefois évoqué la possibilité d’agrandir l’usine de Chattoonaga, dans le Tenessee, où Volkswagen emploie 3.200 personnes. Dernier en date, Fiat-Chrysler a annoncé dimanche la création de 2.000 emplois aux États-Unis. Il va investir un milliard de dollars d’ici à 2020 dans deux usines du Michigan et rapatrier la production d’un pick-up actuellement fabriqué au Mexique.

Toyota garde le cap. Également visé à causes de ses usines mexicaines, le géant japonais Toyota n’a pour l’instant pas plié face à Donald Trump. Le premier constructeur mondial n’a pris aucun engagement mais a rappelé, chiffres à l’appui, son apport à l’économie américaine, avec 136.000 salariés et 25 millions de véhicules produits aux États-Unis en 30 ans.

Même Carlos Ghosn, patron de Renault-Nissan, y est allé de son intervention. "Nous sommes pragmatiques, nous nous adapterons à n'importe quelle situation, à la condition que ce soit la même règle pour tous. Tous les constructeurs automobiles vont regarder très attentivement à partir du 20 janvier ce qui va être la nouvelle politique, quelles vont être les règles (...) en Amérique du Nord, et nous les respecterons", a-t-il assuré en marge du CES de Las Vegas.

Renouveau déjà entamé. Il faut néanmoins relativiser l’influence de Donald Trump sur les décisions récentes des constructeurs automobiles. En effet, ils n’ont pas attendu l’élection du milliardaire pour favoriser les emplois américains. La crise de 2008 appartient au passé. Après avoir observé une baisse de la production de près de 50% entre 2007 et 2009, le nombre de voitures produites au États-Unis ne cesse d’augmenter depuis 6 ans. En 2015, plus de 12 millions de véhicules sont sorties des usines américaines, un niveau plus vu depuis 2003. Le Mexique a bel et bien profité de la crise mais n'a pas tant freiné la renaissance de la production américaine.

Emploi en hausse. De même, l’emploi dans le secteur automobile repart à la hausse. D’après l’Alliance des constructeurs automobiles, le secteur faisait vivre 7.25 millions de personnes aux États-Unis en 2014. En comptant uniquement les emplois directs dans les usines de pièces, d’assemblage et les concessionnaires, l’automobile emploie 3,87 millions d’Américains. Et la dynamique est bonne : d’après le Bureau of Labor Statistics, le seul emploi manufacturier automobile a augmenté de 1,7% en 2016.