Espionnage : Ghosn a des preuves

Le président de Renault, Carlos Ghosn, s'explique dans le JDD pour la première fois sur la plainte contre X déposée par le constructeur automobile pour espionnage industriel.
Le président de Renault, Carlos Ghosn, s'explique dans le JDD pour la première fois sur la plainte contre X déposée par le constructeur automobile pour espionnage industriel. © REUTERS
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avec agences , modifié à
Le patron de Renault a assuré qu'il avait des "certitudes" sur l'affaire d'espionnage.

Renault a suivi "les processus habituels". Le président du constructeur automobile français s'exprime sur l'affaire d'espionnage industriel qui touche son groupe. Dans le Journal du Dimanche, Carlos Ghosn explique que ce sont "le déontologue du groupe, Christian Husson, qui est aussi notre directeur juridique, et le patron de la sécurité de Renault" qui lui ont fait part, "fin août", "d’informations extrêmement préoccupantes sur l’intégrité de certains de nos collaborateurs de haut niveau". Et il dit avoir "été surpris et choqué".

"Une affaire grave"

"Ils m’ont donné entre autre le nom d’une personne qui est membre de notre comité de direction. Ce cadre rapporte directement à Odile Desforges, la directrice de l’ingéniérie, qui, elle, siège au comité exécutif. C’est donc, depuis le début, une affaire grave", a-t-il résumé au JDD.

Si le groupe a gardé pendant plusieurs mois le secret sur l'enquête interne qui l'a conduit à licencier trois de ses cadres soupçonnés d'espionnage industriel sur son programme de voitures électriques, c'est simplement, assure Carlos Ghosn, parce qu'il a "décidé que les processus habituels devaient être utilisés". Et c'est ainsi que "le comité de déontologie, le service de sécurité du groupe et le management se sont mis au travail". "Il ne me revient pas ici de rentrer dans les détails de ce que nous avons fait. Mais nous avons été irréprochables par rapport à la loi", affirme-t-il dans .

Le parquet a annoncé le 14 janvier l'ouverture d'une enquête préliminaire de police sur ce dossier, au lendemain du dépôt de plainte contre X de Renault "pour des faits constitutifs d'espionnage industriel, de corruption, d'abus de confiance, de vol et recel, commis en bande organisée". Si les premières informations publiques sur les soupçons du groupe ne datent que du début du mois, les premières alertes internes remontent à près de cinq mois.

Trois cadres sont visés par les soupçons de Renault. Mis à pied dans un premier temps, ils ont été licenciés. Ils ont depuis annoncé le dépôt d'une plainte pour dénonciation calomnieuse ou diffamation selon les cas. Dans le Journal du Dimanche, Carlos Ghosn a précisé que c'est la "stratégie (du groupe) dans la voiture électrique" qui a été visée dans cette affaire d'espionnage. Les fuites ne correspondent pas à des informations "technologiques" mais qu'il pourrait s'agir d'informations sur le "modèle économique" de Renault, s'insurge-t-il. "Quand un constructeur est en avance technologique, ne soyons pas naïfs, ca intéresse beaucoup de monde", a commenté Carlos Ghosn.

Un cadre demande des preuves

A la suite de l'interview de Carlos Ghosn dans le JDD, les avocats de l'un des trois cadres visés par les soupçons de Renault ont appelé le PDG du groupe "pour que ce soir, au 20 heures, il apporte des preuves". Selon l'un des avocats interrogé par i-Télé, le PDG ne peut pas se réfugier derrière le secret de l'instruction car "les dispositions de l'article 11 du code pénal ne lient pas la partie plaignante au procès". L'avocat a suggéré que Renault cherchait donc à faire une opération de communication. "On se demande s'il n'y a pas un peu de 'com' au mépris de trois personnes", a-t-il dit.

Le patron de Renault s'est de nouveau exprimé dimanche soir sur le plateau de TF1. Il a affirmé avoir des preuves "multiples", "et c'est bien pourquoi nous avons déposé une plainte contre X", a-t-il justifié. "Si on n'avait pas de certitudes, nous n'en serions pas là", a ajouté Carlos Ghosn.

Ces affirmations n'ont en revanche pas convaincu les avocats des trois cadres accusés. "Il n’a rien apporté à ce que nous savions déjà, c'est-à-dire qu’ils sont incapables de nous notifier des preuves", a déploré Pierre Olivier, l’avocat de Michel Balthazard, lundi matin sur Europe 1.

Enfin, le ministre de l'Industrie Eric Besson a également estimé que la direction de Renault aurait dû informer l'Etat sur l'affaire d'espionnage industriel qui touche le groupe, sur Radio J. Le ministre a affirmé "avoir les comptes" avec la direction et ne pas vouloir "jeter le bébé Renault avec l'eau du bain".

Renault va recruter

Le PDG de Renault-Nissan a également annoncé au Journal du Dimanche le recrutement de 2.400 personnes en France dès 2011, dont la moitié en contrats d'alternance. Il a également indiqué que "plus de 500 millions d'euros d'investissements industriels sont également prévus" sur l'année. Vendredi, Renault avait annoncé aux syndicats le recrutement d'ici 2013 en France de 4.700 personnes dont 2.700 jeunes en alternance, embauches destinées à compenser en partie quelque 3.000 départs potentiels via un dispositif controversé de prise en compte de la pénibilité.

"Nous sommes un groupe à ambition mondiale. Mais la préparation du développement de Renault à l'international se fait toujours en France", a-t-il affirmé, ajoutant que "c'est son laboratoire, là où s'organise son offensive en matière d'ingénierie, de moteurs, de transmissions, de pièces". Pas question de délocaliser, confie-t-il au journal, assurant que c'est un mot "impropre". Mais concernant toutefois la présence du groupe à l'étranger, il a justifié son action en expliquant qu'"aujourd'hui 90% des voitures vendues en Chine, en Inde ou au Brésil sont fabriquées localement. Si vous voulez compter dans cette industrie, il faut être présent dans ces pays".