Emploi, précarité, protection sociale… La France a-t-elle oublié ses jeunes ?

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Margaux Baralon , modifié à
SOCIAL - Une note de France Stratégie publiée jeudi pointe du doigt la précarisation des jeunes générations, due notamment à des politiques publiques plus favorables aux seniors.

Jeudi, une partie d'entre eux, inquiets pour leur avenir, manifestait dans la rue contre la loi Travail. Les jeunes ne sont pas les seuls à se faire du souci pour eux-mêmes. France Stratégie, organisme de réflexion et d'expertise rattaché à Matignon, vient de publier une note au constat amer pour les moins de 25 ans. Depuis plus de 35 ans, les politiques publiques françaises semblent favoriser les seniors au détriment des jeunes générations.

Priorité aux seniors. Si Marine Boisson-Cohen et Pierre-Yves Cusset, les deux auteurs de la note, reconnaissent que les jeunes générations ont connu des difficultés dès les années 1970, ils pointent "une aggravation depuis la crise de 2008". Surtout, ils estiment que le sort des moins de 25 ans "se détériore par rapport à celui des seniors". "L'effort de la nation est de plus en plus concentré sur les plus âgés", écrivent les auteurs, qui ont comparé les dépenses publiques consacrées aux uns et aux autres.

En additionnant les dépenses de protection sociale et d'éducation, le résultat est sans appel. En 1979, les plus de 60 ans recevaient l'équivalent de 11% du PIB du pays. En 2011, 17% du PIB leur était consacré. Sur la même période, la part des richesses destinées aux moins de 25 ans est passée de 8,5 à 8%. En prenant compte des dépenses par individu, celles-ci ont moins augmenté pour les jeunes (+2 points pour les moins de 18 ans et + 8 points pour les 18-24 ans) que pour les personnes âgées (+10 points).

Faibles dépenses d'éducation. Une partie de ces écarts s'explique facilement par deux facteurs. D'une part, les dépenses de protection sociale des plus âgés sont plus élevées car les seniors en ont plus besoin, notamment en ce qui concerne la santé. D'autre part, le vieillissement de la population explique une hausse du coût des politiques publiques à destination des aînés.

Il n'en reste pas moins que la France a également fait des choix défavorables pour ses jeunes. "Les dépenses d'éducation ont progressé moins rapidement en France qu'en moyenne dans les pays de l'OCDE", soulignent Marine Boisson-Cohen et Pierre-Yves Cusset. En revanche, la France a décidé d'augmenter fortement les dépenses individuelles de prestation vieillesse.

manif éducation

Jeunes en galère. Ces choix politiques ne sont pas sans conséquence. "Niveau de vie, chômage, précarité, accès au logement, indépendance financière : la situation des jeunes adultes est aujourd'hui difficile", assène France Stratégie. Les améliorations apportées au statut d'étudiant, comme les bourses ou les aides au logement, "n'ont pas éteint la précarité" de celles et ceux qui suivent des études. Et les gouvernements successifs ont "laissé de côté un nombre croissant de jeunes en situation précaire sur le marché du travail, voire en 'galère'." Marine Boisson-Cohen et Pierre-Yves Cusset insistent ainsi sur les difficultés d'accès à l'emploi et au logement.

Inverser la tendance. Reste à savoir comment inverser la tendance. France Stratégie identifie deux leviers d'action. D'une part, une intervention étatique accrue pour "accompagner plus efficacement la jeunesse vers l'âge adulte". Tant le marché du travail que le logement doivent, selon les auteurs de la note, être plus accessibles aux jeunes générations. Mais il faudrait également leur donner des coups de pouce financiers, avec des allocations d'autonomie par exemple, et investir dans l'éducation et la formation. Par ailleurs, France Stratégie suggère "une plus grande mise à contribution des plus âgés" pour financer la protection sociale. Car si, avec la création de la contribution sociale généralisée (CSG), les seniors participent de plus en plus, "ils restent cependant moins imposés que les groupes d'âge plus jeunes".

Autant de préconisations que l'exécutif devrait regarder attentivement. Car alors que le candidat Hollande avait fait de la jeunesse une priorité, celle-ci ne cesse désormais de manifester sa déception à l'égard du président.