Des applications pour enfumer les jeunes ?

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Sophie Amsili , modifié à
Plus d'une centaine d'applications mobiles font la promotion du tabac, selon une étude australienne.

Rouler une cigarette, allumer un briquet et voir la fumée s'élever et les cendres se déposer dans le cendrier. Tout est là, ou presque. Car tout est virtuel et apparaît sur l'écran d'un smartphone. Sur les deux principales plateformes de téléchargements (iTunes et Google Play), 107 applications font ainsi une publicité, directe ou indirecte, pour le tabac, selon les calculs d'une étude australienne menée par des chercheurs en santé publique de l'Université de Sydney et publiée dans la revue Tobacco Control.

Certaines applications mentionnées par l'étude ont disparu depuis mais le choix reste vaste : tapez "cigarette" sur Google Play et une pléïade d'applications apparaîtront. Beaucoup sont destinées à aider à arrêter de fumer, d'autres permettent de localiser les bureaux de tabac les plus proches. Certaines sont plus originales, imitant les gestes de fumeurs ou symbolisant la batterie du téléphone qui se vide par une cigarette qui se consume. Certaines applications mettent clairement en avant les logos de marques de cigarettes. Reste à savoir qui se cache derrière.

Dans les catégories "jeux" et "divertissement"

Car l'étude s'interroge : est-ce "le tout dernier moyen (de communication) pour l'industrie du tabac ?" "Les smartphones sont des cibles marketing idéales puisque les consommateurs sont accessibles n'importe où, n'importe quand", remarquent en tout cas les auteurs.

Et même si le profil des utilisateurs qui téléchargent ces applications n'est pas connu, les auteurs pointent du doigt le risque pour les plus jeunes : "Ces applications pourraient facilement attirer les adolescents et les enfants en raison de leurs graphiques de haute qualité et de leur présence dans les catégories 'jeux' et 'divertissement' des app stores." Souvent gratuites, ces applications donnent le sentiment "que fumer est 'cool'", font connaître les marques de cigarettes et simulent même l'expérience de fumer. Résultat, elles "augmentent potentiellement le risque d'initier les adolescents au tabac", dénonce l'étude.

Des pratiques "sous le coup de la loi"

En France, le Comité national contre le tabagisme (CNCT) se dit conscient des risques posés par les applications mobiles mais indique ne pas avoir pour le moment été saisi par le gouvernement pour engager des procédures juridiques. Mais "ces pratiques tombent clairement sous le coup de la loi, condamne la directrice du CNCT Emmanuelle Beguinot. Tous les supports sont concernés par l'interdiction de faire de la publicité pour le tabac."

D'ailleurs, le CNCT se bat avec les mêmes armes : il a lui-même développé une application mobile accessible sur iTunes car c'est "un moyen de toucher les jeunes plus facilement de manière ludique". Baptisée "SmokingVoice", l'application permet de transformer la voix de l'utilisateur en celle d'un fumeur de longue date. Cette fois, la cigarette paraît nettement moins "cool".