Dégradation de la France : doit-on s'inquiéter ?

Le taux d'emprunt à 10 ans de la France a nettement progressé vendredi à l'ouverture du marché obligataire en zone euro, après l'abaissement d'un cran de la note de la France par l'agence de notation Standard & Poor's.
Le taux d'emprunt à 10 ans de la France a nettement progressé vendredi à l'ouverture du marché obligataire en zone euro, après l'abaissement d'un cran de la note de la France par l'agence de notation Standard & Poor's. © REUTERS
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DÉCRYPTAGE - L'agence de notation Standard & Poor's a abaissé la note de la dette française à "AA".

L'INFO. Perdre un "+" est-il plus grave que de perdre un "A" ? L'agence de notation Standard & Poor's (S&P) a lancé un coup de tonnerre vendredi, en abaissant la note de la dette française pour la deuxième fois en moins de deux ans. Celle-ci passe ainsi de "AA+" à "AA". Et contrairement aux précédentes dégradations, prononcées par S&P en janvier 2012, Moody's en novembre de la même année, et Fitch en juillet 2013, les marchés semblent cette fois-ci réagir. Doit-on s'inquiéter ? Décryptage.

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Les marchés attaquent. Les marchés financiers semblent avoir été surpris par cette annonce. Alors  que la perte du triple "A" les avait laissés de marbre, cette nouvelle dégradation a immédiatement été suivie de faits. Le taux d'emprunt à 10 ans de la France a ainsi nettement progressé vendredi à l'ouverture du marché obligataire en zone euro. Peu après 08h, le taux s'inscrivait déjà à 2,389% contre 2,158% la veille. La Bourse de Paris a, elle, démarré  en baisse de 0,67%. "Les taux d'intérêt vont mécaniquement augmenter cette fois-ci. Et cela ne sera pas bon pour la croissance", prévient ainsi l'économiste Marc Touati au micro d'Europe1. "Cette fois-ci, c'est grave", estime également l'éditorialiste d'Europe1, Axel de Tarlé.

"En train de passer en deuxième division". En 2012, les autres agences avaient suivi S&P. Et les analyses redoutent que le scénario se reproduise. "Nous décrochons carrément par rapport à l'Allemagne. Nous sommes derrière l'Autriche, la Finlande, les Pays-Bas, au niveau de la Belgique et juste un cran au dessus de l'Estonie", s'inquiète Axel de Tarlé. Et d'insister : "jusqu'à présent nous avons été épargnés sur les marchés. Mais là, il va falloir regarder les taux d'intérêt de près. Les marchés financiers, ils sont à Singapour, à Tokyo, à Washington. Ils ne comprennent rien à la France. Ils regardent les agences et constatent que la France est en train de passer en deuxième division et qu'elle pourrait ne pas pouvoir rembourser sa dette". "Nous rentrons dans un club où il y a des pays beaucoup moins crédibles. Une segmentation est en train de se créer", renchérit Marc Touati.

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Une dégradation "tout à fait logique". La deuxième chose inquiétante, outre la hausse des taux d'emprunt, c'est le constat fait par S&P sur l'état de la France. L'agence a justifié, dans un communiqué, sa décision  par le fait que le pays aurait perdu de sa marge de manœuvre financière et n'était pas en mesure de se réformer davantage en raison du maintien d'un chômage élevé. "Il nous semble que les pouvoirs publics disposent désormais d'une marge de manœuvre réduite pour augmenter les recettes", et donc réduire l'endettement du pays, a tranché S&P. "Cette décision est tout à fait logique et était prévisible. La France n'a pas tenu ses engagements de réduction de déficit. S&P aurait pu être beaucoup plus méchante car nous ne sommes plus du tout crédible", tacle également Marc Touati. "Et le gouvernement ne semble pas vouloir réagir".

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Le gouvernement temporise. François Hollande n'a pas tardé à répliquer pour défendre sa politique économique et budgétaire. "Cette politique qui repose sur des réformes qui ont déjà été engagées, qui se poursuivront, est la seule qui permette d'assurer la crédibilité, et on peut la mesurer à travers les faibles niveaux des taux d'intérêt sur les marchés, et d'assurer la cohésion nationale et sociale", a martelé le président.

Un peu plus tôt, les ministres interrogés vendredi ne semblent, en effet, pas convaincus par l'alerte de l'agence de notation. "Les réformes engagées produiront leurs effets. La note précédente n'a pas empêché la France de bénéficier de taux d'intérêt plutôt à la baisse. J'ai parfaitement entendu ce qui a été dit par cette agence. Nous, il faut que nous gardions la détermination de la politique que nous avons engagée", a ainsi tempéré Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, sur Europe1.

Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, en déplacement à Marseille, a affirmé sur France Bleu Provence que l'agence n'avait "pas pris en compte toutes les réformes" menées depuis l'an dernier, notamment celle des retraites. De son côté, le ministre de l'Economie Pierre Moscovici a dénoncé, dans un communiqué, des "jugements critiques et inexacts". Les deux ont par ailleurs souligné que même ramenée à "AA", la note de la France restait parmi "les meilleures du monde". Il s'agit, en effet, de la troisième meilleure possible. Sa perspective est "stable", ce qui implique que l'agence n'envisage pas de la modifier de nouveau à court ou moyen terme.

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