Dans quel état Christophe de Margerie laisse-t-il Total ?

Christophe de Margerie, le PDG de Total, est décédé lundi soir à Moscou dans un accident d’avion.
Christophe de Margerie, le PDG de Total, est décédé lundi soir à Moscou dans un accident d’avion. © REUTERS
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avec Emmanuel Duteil , modifié à
TOURNANT - Avant sa mort, le patron du pétrolier avait entamé un revirement de stratégie, car les défis sont nombreux.

La mort de Christophe de Margerie dans un accident d'avion bouleverse Total, dans tous les sens du terme. Une minute de silence a été observée au siège de l'entreprise, mardi à 14h. Se pose désormais la question de la succession du patron du pétrolier. Comme il est coutume dans l'entreprise, une solution en interne devrait être privilégiée. Une certitude : les défis qui attendent le futur dirigeant sont immenses. Car le groupe est à la croisée des chemins, en plein changement stratégique.

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Total gagne de l'argent, beaucoup d'argent. Le consommateur français  connait surtout Total par ses stations services. Mais la distribution d'essence en France est loin d'être l'activité principale du pétrolier. Le groupe gagne principalement de l'argent en découvrant de nouveaux gisements de pétrole, en les exploitant et en raffinant tout ce pétrole pour le rendre utilisable. Total est le sixième groupe pétrolier au monde, en termes de chiffre d'affaires. C'est également la deuxième capitalisation à la bourse de Paris, soit l'équivalent de Renault, Danone, Carrefour et Axa cumulés ! Le groupe emploie près de 100.000 salariés dans le monde, dont un tiers en France. Le tout pour un bénéfice annuel de plus de 8 milliards d'euros.

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Mais le géant a les pieds d'argile. Mais comme toutes les grosses entreprises pétrolières, la situation de Total est un peu compliquée en ce moment. Le prix du baril du pétrole a nettement reculé (-28% ces quatre derniers mois), du fait de la baisse de consommation des États-Unis notamment, qui se sont convertis aux énergies de schistes, des conflits au Moyen-Orient et de la forte concurrence entre les pays producteurs. Il y a également des problèmes du coté des raffineries, qui connaissent  des surcapacités de production en raison d'une baisse mondiale de la consommation de carburant. Et il ne faut pas oublier que chercher du pétrole devient de plus en plus difficile, et donc de plus en plus cher.

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Une restructuration profonde en court. Ces derniers mois, pour répondre à tous ces défis, Christophe de Margerie  avait entamé une restructuration profonde du groupe : 4 milliards d'euros d'économie de coût de fonctionnement d'ici à 2017 et 23 milliards d'euros de cession d'actifs entre 2012 et 2017. Un plan auquel il faut ajouter une volonté de mieux optimiser les raffineries, y compris en France. "Il y a encore des adaptations à faire sur les sites de Total en France. Nous devons continuer notre politique d’anticipation et de reconversion industrielle, même si cela suppose de vrais changements", prévenait, fin août, le défunt dirigeant.

Et maintenant ? "Total doit continuer à aller de l'avant", a réagi mardi le secrétaire général du groupe pétrolier français, Jean-Jacques Guilbaud.  "Le groupe est organisé pour assurer la bonne continuité de sa gouvernance et de ses activités, pour faire face à cet événement tragique", a-t-il renchéri devant des journalistes.

Pour prendre la succession de Christophe de Margerie, deux noms sont régulièrement cités : Patrick Pouyanné, le directeur général de la branche Raffinage-Chimie, et Philippe Boisseau, directeur général Marketing & Services (activités qui recouvrent la distribution de carburants) et Énergies nouvelles. Les deux hommes étaient déjà considérés comme dauphins potentiels lors de leur entrée en janvier 2012 au comité exécutif de Total.

Des noms qui ne font pas polémique, même si certains craignent une guerre de succession. "Je ne suis pas inquiet. Il y a des gens en dessous qui ont des compétences même s'ils n'ont pas son charisme", commentait, à ce sujet, François Pelegrina, coordinateur CFDT, premier syndicat du groupe. Et son homologue de la CGT, Eric Sellini, de conclure : "Il faut que la bataille pour la succession ne cause pas plus de trouble que ça et que ça se passe dans la responsabilité et la sérénité".