Croissance : le scénario à craindre

Jean-Marc Ayrault a reconnu mercredi qu'il pourrait être amené à revoir ses prévisions de croissance.
Jean-Marc Ayrault a reconnu mercredi qu'il pourrait être amené à revoir ses prévisions de croissance. © Vincent Kessler / Reuters
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Le gouvernement n'exclut plus de revoir ses prévisions. 1 point de croissance, c'est 20 milliards.

Le gouvernement n'en démord pas : le déficit sera réduit à 4,5% du PIB en 2012, et à 3% en 2013. Pourtant, Jean-Marc Ayrault a reconnu mercredi qu'il pourrait être amené à revoir ses prévisions de croissance. "Les hypothèses de croissance ça ne se décrète pas! On s'adaptera en fonction de la situation", a concédé le Premier ministre, interrogé sur BFMTV-RMC sur un éventuel rabaissement de ses pronostics.

Cette éventuelle adaptation risque pourtant de le mettre devant un cruel dilemme. En effet, si le gouvernement tient à remplir ses objectifs de réduction de déficit, mais qu'il rabaisse sa prévision de croissance, il devra accroître la rigueur, ce qui risque de ralentir encore plus la croissance. Quelles seront les tenants et aboutissants d'un tel scénario? Décryptage.

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Les prévisions actuelles sont-elle tenables ? La "situation" semble inéluctablement conduire le gouvernement à revoir ses ambitions. Lors de sa prise de fonction, Jean-Marc Ayrault avait déjà voulu se montrer prudent, en ramenant l'objectif de croissance à 0,3% pour cette année et 1,2% pour l'an prochain, contre 0,7% et 1,7% pendant la campagne présidentielle. Mais il pourrait bien avoir été optimiste.

Car depuis la France s'est engluée dans une phase de croissance nulle, avec trois trimestres de stagnation depuis l'automne 2011. Et beaucoup d'économistes s'accordent à dire que le Premier ministre avait vu large.

le siège de la banque de france

Le Fonds monétaire international ne table, lui, plus que sur une progression de 0,8% de l'économie française en 2013. La Banque de France prévoit, quant à elle, une légère récession en 2012, et une croissance de 1% en 2013. Quant à la prévision moyenne dressée par Consensus Forecast à partir d'une vingtaine d'instituts publics et privés, elle s'établit à seulement 0,5% en 2013, après 0,1% cette année.

Jean-Marc Ayrault semble avoir écouté ces mauvais présages. Ses propos se montrent en tout cas bien plus nuancés que ceux de Pierre Moscovici, ministre de l'Economie, qui assurait mi-août qu'une révision des prévisions de croissance "n'étaient pas d'actualité". Et semble désormais être bien seul à y croire.

À combien devraient s'élever les efforts en cas de prévision à la baisse? Une baisse de 0,1 point de croissance coûterait 2 milliards d'euros au pays, selon l'Insee. Or le gouvernement prévoit déjà plus de 30 milliards d'euros d'économies réparties entre hausse d'impôt et baisse des dépenses pour 2013, avec ses prévisions de croissance actuelles.

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Une baisse des prévisions ne feraient qu'accroître la facture. Selon la Cour des comptes, une croissance économique de 1% en 2013 (prévision de la BdF) exigerait 33 milliards d'économie pour tenir l'objectif 2013. Si la croissance est plus élevée (1,5%), l'effort ne sera "que" de 28 milliards et si elle est plus basse (0,5%), il faudra trouver 38,5 milliards, détaillait l'institution dans son rapport annuel début juillet.  

À titre d'exemple, en octobre dernier, Nicolas Sarkozy avait revu ses prévisions de croissance pour 2012 à la baisse, de 1,75% à 1%. Il avait dans la foulée annoncé la nécessité d'un plan de rigueur "de 6 à 8 milliards d'économie".

Serait-il judicieux de serrer la vis en cas de baisse de croissance? La France s'est engagée auprès de l'Union européenne à réduire ses déficits. Le but : enrayer la crise de la

Drapeaux de l'Union européenne devant le Parlement à Strasbourg

dette qui secoue la zone euro, et qui effraie les marchés. Si l'Hexagone veut continuer à emprunter auprès de ces derniers à des taux relativement bas, elle a tout intérêt à tenir ses engagements, estime Bruxelles. Or une baisse de croissance signifie une baisse de recettes. La France sera contrainte à la rigueur si elle veut maintenir ses objectifs.

"Les marchés regardent de près la cohérence des politiques. Ils n'accepteront pas, au niveau européen, que des États fassent des efforts et d'autres moins. Si c'est ça qui se passe, les investisseurs risquent de sanctionner tout le monde", expliquait début juillet l'économiste et chercheur à l'université Paris-II, Bruno Jérôme, contacté par Europe1.fr.

Toutefois, un nouveau plan de rigueur risque aussi d'entrainer le pays dans un cercle vicieux. Car hausses d'impôt et baisses des dépenses publiques entrainent aussi une baisse des investissements et de la consommation. "La croissance est déjà très faible", prévient Jean-Christophe Caffet, de la banque Natixis. Du coup, explique-t-il, comme les recettes fiscales ne rentrent qu'au compte-gouttes en raison de cette activité atone, le gouvernement devra donner un tour de vis budgétaire très vigoureux pour atteindre ses objectifs financiers. Mais s'il va chercher à tout prix les milliards qui manquent pour arriver à 3% de déficit en 2013, ça va peser encore plus sur la croissance", estime cet économiste.

La solution ? Vu le contexte économique mondial, Jean-Christophe Caffet plaide pour un délai supplémentaire. "Toute la zone euro et le Royaume-Unis tentent d'assainir leur finances. Aux Etats-Unis, ce sera après les élections. Et les pays émergents sont en plein ralentissement, conclut-t-il. La France ne peut même pas compter sur la demande de ses partenaires commerciaux pour tirer la croissance."