Crise : pourquoi la France est menacée ?

Bercy va certainement devoir revoir sa copie pour 2012 et 2013
Bercy va certainement devoir revoir sa copie pour 2012 et 2013
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Jean-Louis Dell'oro , modifié à
Bruxelles adresse un avertissement pour 2013 : la France doit faire mieux.

La Commission européenne a estimé jeudi que la croissance s’est interrompue dans l’Union européenne et que cette dernière n’est pas à l’abri d’une nouvelle récession. La Commission a en particulier appelé la France à envisager de nouveaux efforts d’austérité pour tenir ses engagements. Elle a ainsi révisé ses prévisions pour la croissance du pays en 2012 (0,6%) ainsi que pour le déficit (5,1% en 2013). Tour d’horizon des principaux points faibles de la France.

La croissance française en berne : Lorsque la croissance baisse, les recettes fiscales de l’Etat diminuent et les déficits se creusent. La croissance de l’Hexagone est donc au cœur de notre politique budgétaire. Or, cette croissance a été largement revue à la baisse.

Pour 2011, le gouvernement avait prévu une croissance de 2,1% du PIB avant de la réviser à 1,75%. L’Insee a elle aussi revu sa prévision en octobre mais à 1,7%. Une légère différence certes mais qui pourrait se traduire par plusieurs centaines de millions d’euros de recettes en moins. D’autant que la Banque de France prévoit une croissance nulle pour le dernier trimestre de l’année.

En 2012, la croissance devrait dégringoler. Jusqu’à récemment, le gouvernement anticipait une hausse de 1,75% avant de la réviser à 1%. Cette prévision pourrait toutefois être encore passée à la moulinette de la crise. La Commission européenne anticipe désormais pour la France une croissance de l’ordre de 0,6% en 2012. Les analystes de Citi sont bien plus pessimistes avec 0,1% et ceux de Bank of America Merrill Lynch nous voient même en récession de 0,6%.

L'excuse du domino italien

L’exposition à l’Italie : Les banques françaises détiennent un important montant d’obligations souveraines italiennes (une obligation, c’est une part de la dette italienne qui est vendue à des investisseurs). Si l’Etat italien venait à ne plus pouvoir payer ses créances, les banques françaises devraient donc essuyer de sévères pertes, bien plus importantes que pour la Grèce.

Fin octobre, les quatre principales banques françaises (BNP Paribas, Crédit Agricole, BPCE et Société Générale) étaient exposées à la dette italienne à hauteur de 22,1 milliards d'euros.

Mais la dette souveraine, ce n’est pas tout. Une faillite de l’Etat italien aurait des répercussions sur l’économie de la péninsule et sur la dette des ménages et des entreprises du pays. Au total, les banques françaises étaient exposées à l’Italie à hauteur de 416,3 milliards d’euros au 31 juin dernier, d’après les données de la BIS, soit bien plus que leur exposition à la seule dette souveraine italienne.

Les déficits de la France : L'exposition de la France à l'Italie ne doit pas pour autant occulter l'un des gros points faibles de la France : le déficit. Le dernier budget à l’équilibre date de 1974. Depuis, les recettes de l’Etat ont toujours été inférieures à ses dépenses. C’est ce qu’on appelle le déficit budgétaire.

Le gouvernement s’est engagé à ramener ce déficit à 3% du PIB en 2013, après 5,7% en 2011 et 4,5% en 2012. Seulement la Commission européenne n’y croit pas. Elle estime plus réaliste un déficit à 5,1% en 2013, sans mesures d’austérités supplémentaires. La France doit donc à la fois ménager sa croissance pour préserver ses recettes fiscales tout en diminuant ses déficits via des plans d’austérité, plans qui pèsent sur la croissance. L’équilibre va être très dur à trouver.

Le vrai problème : la dette française

Le niveau d’endettement de la France : Les déficits budgétaires qui s’accumulent chaque année alimentent la dette. Celle-ci culmine à 1692,7 milliards d’euros au deuxième trimestre, soit 86,2% du PIB. La France fait ainsi partie des mauvais élèves en la matière. Seuls la Grèce, l’Irlande, le Portugal, l’Italie et la Belgique font pire dans la zone euro.

Une dette détenue par les investisseurs étrangers : La dette négociable était détenue en juin dernier à 66,2% par des non-résidents, d’après les données de l’Agence France Trésor. Cela signifie que ce ne sont pas les Français qui détiennent en majorité la dette de l’Etat. Autrement dit, la France est obligée de financer sa dette sur les marchés internationaux, c’est-à-dire auprès des investisseurs étrangers.

Autre signe de dépendance aux marchés : la maturité de la dette française (sa durée de vie moyenne) est relativement faible : elle est de 7 ans et 31 jours. La dette française doit donc être refinancée à chaque fois dans un délai assez court.

Les taux d’intérêt des obligations françaises : Le taux auquel emprunte l’Etat français est encore largement soutenable. Vers 10H30 jeudi, il se négociait autour de 3,295% pour les obligations françaises à 10 ans. Seulement, l’écart entre le taux des obligations françaises et allemandes se creuse de plus en plus. Il a atteint son plus haut historique jeudi avec un écart (ou "spread") de 170 points de base, autrement dit de 1,7 point de pourcentage. Les Allemands empruntent en effet à environ 1,74% sur 10 ans.

Plus le taux augmentera et plus il sera difficile pour la France d'emprunter sur les marchés car plus cela lui coûtera cher en intérêts.

La note triple A de la France, la meilleure possible, est plus que jamais sur la sellette. D'ailleurs, l'agence Standard & Poor's a avoué jeudi avoir diffusé par erreur à certains de ses abonnés un communiqué annonçant la dégradation de la note française. Une boulette prémonitoire ?