Comment Bruxelles veut chambouler le paiement par cartes

Pour faire souffler les commerçants européens et avantager le consommateur, la Commission européenne vient donc de proposer un paquet législatif visant à encadrer ces frais.
Pour faire souffler les commerçants européens et avantager le consommateur, la Commission européenne vient donc de proposer un paquet législatif visant à encadrer ces frais. © MaxPPP
  • Copié
, modifié à
La Commission propose d'encadrer les frais payés par les commerçants. Bonne nouvelle pour le consommateur ?

Une scène lambda en zone euro. Voici une scène qu'a déjà connue tout possesseur de carte bancaire. Un consommateur entre dans un magasin, de presse par exemple, et s'aperçoit qu'il n'a pas assez de monnaie. Son magazine coûte trois euros, mais le commerçant n'accepte la carte bancaire qu'à partir de cinq. Et pour cause : pour chaque transaction, il doit payer des frais de commission à la banque du client. Il ne peut donc pas se permettre d'accepter la carte pour un trop petit montant. Et le consommateur se voit souvent obliger de ressortir bredouille, où d'acheter un deuxième magazine.

commission europeenne batiment bruxelles REUTERS 930620

© REUTERS

La proposition. Pour faire souffler les commerçants européens et avantager le consommateur, la Commission européenne vient donc de proposer un paquet législatif visant à encadrer ces frais. Bruxelles propose de limiter ces commissions à 0,2 % de la valeur des transactions pour les cartes à débit immédiat et à 0,3 % pour les cartes à débit différé (lorsque le client paie mais que l'argent est retiré sur son compte plus tard, procédé en vogue notamment au Royaume-Uni). En clair, pour une transaction de cinq euros, le commerçant ne pourrait pas payer plus de 10 centimes de frais dans le premier cas, et plus de 15 dans le second. La mesure n'aura toutefois pas le même impact selon les pays. En France, ces commissions sont actuellement limitées à 0,28% du montant de la transaction (tous débits confondus). En Espagne, elles peuvent s'élever jusqu'à 1%. À l'inverse, au Danemark, ces commissions n'existent pas.

Quel est le calendrier ? Le projet doit encore passer les rouages du Conseil européen et du Parlement. Mais Bruxelles espère une mise en œuvre au printemps 2014. S'il est validé, le plafond s'appliquerait alors aux achats transfrontaliers pendant deux ans, avant d'être étendu aux transactions nationales.

Les prix vont-ils donc baisser ? Les économies attendues pour les commerçants du Vieux-continent sont évaluées à 6 milliards d'euros par Bruxelles. Et l'exécutif européen a bon espoir que les entreprises fassent ensuite baisser leurs prix. La Commission estime même que les consommateurs économiseront ainsi 730 millions d'euros par an, au total. "Ces propositions vont permettre aux détaillants de répercuter les économies sur les consommateurs, en leur apportant des avantages réels dans ces moments difficiles", a ainsi promis Christian Verschueren, directeur général de l'association de commerçants EuroCommerce. "C'est une très bonne nouvelle", estime également Maxime Chipoy, responsable du service études à l'UFC-Que Choisir, contacté par Europe1.fr. "D'autant que ces commissions bancaires n'ont plus de raison d'être. Les infrastructures mises en place pour le paiement par cartes sont remboursées depuis 20 ans", poursuit le défenseur des consommateurs.

Les seuils de paiement par carte vont-ils baisser ? Le consommateur évoqué plus haut pourra-t-il un jour payer son magazine à trois euros avec sa carte bancaire ? Probablement, selon Maxime Chipoy : "les seuils sont de plus en plus bas au fil des années. Et l'ensemble des commerçants sont d'accord pour poursuivre cette tendance. La proposition de Bruxelles va y contribuer". "Cela va donner au consommateur plus de choix d'option de paiement", assure également Christian Verschueren.

Carte bancaire

Le projet va-t-il assez loin ? Il reste un hic : le projet ne contient aucune mesure contraignante pour obliger les commerçants à répercuter la baisse de leurs frais sur les prix. Par ailleurs, le manque de transparence autour de ces frais n'est pas encore levé. "Le consommateur ne voit pas du tout ce qu'il paye. Les commissions sont négociées entre la banque du client, celle du commerçant et le commerçant lui-même", regrette Maxime Chipoy. "Le consommateur n'a aucune idée de la carte qui fait payer le plus de frais. L'idéal aurait été que Bruxelles mette en place un système ou chaque client paie ce qu'il a à payer selon sa carte, et qu'il puisse savoir quelle carte est la plus avantageuse", poursuit-il.

Les banques vont-elles se venger sur leurs clients ? Les banques et les réseaux de cartes bleus (VISA et MasterCard en tête) sont vent debout contre ce projet. "La limitation des taux d'interchange […] va freiner la compétitivité et l'innovation dans le marché des paiements européens", a ainsi regretté MasterCard, cité par Les Echos. Mais l'Union Européenne ne pense pas non plus que les banques fassent grimper le prix des cartes pour compenser. "Au Danemark, les cartes bancaires ne sont pas plus chères qu'ailleurs", fait savoir Joaquin Almunia, Commissaire à la concurrence, relayé par le quotidien économique. Même conviction du côté d'UFC-Que Choisir. "Les frais bancaires sont devenus un argument pour attirer les clients. Avec l'essor des banques en ligne, les banques ne vont pas se permettre d'augmenter leurs prix", assure Maxime Chipoy.