Chômage et handicap : quelles pistes pour relancer l'emploi ?

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Les personnes handicapées sont deux fois moins qualifiées que la moyenne, ce qui représente un frein à l'embauche. Image d'illustration. © SEBASTIEN BOZON / AFP
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et François Geffrier , modifié à
Le taux de chômage des handicapés est deux fois plus élevé malgré la loi de 1987, d'où l'urgence d'une réforme. 

Lundi, la 21e semaine pour l'emploi des personnes handicapées s'ouvre dans un contexte morose. Malgré deux lois datant de 1987 et 2005, le chômage des personnes souffrant d'un handicap reste deux fois plus élevées que celui des valides. Le quinquennat actuel ne pourra pas faire l'économie d'une réforme du secteur, estime le Conseil national handicap (CNH) qui a d'ores et déjà lancé des pistes.

Un chômage deux fois plus élevé que dans le reste de la population

Davantage de chômage et de chômage longue durée. Le constat en chiffres est lourd. En France, les personnes handicapées représentent 8,4% de l'ensemble des demandeurs d'emploi. Fin juin, elles étaient 496.199 à être inscrites à Pôle Emploi, soit une augmentation de 8,5% par rapport à juin 2016. Leur taux de chômage est deux fois plus élevé que le taux de chômage moyen. Enfin, les handicapés restent plus longtemps sans emploi que les valides : 799 jours en moyenne, soit plus de 200 jours de plus que pour l’ensemble des publics.

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"Ça ne va pas aller avec vous". Europe 1 a recueilli le témoignage de Séverine, 45 ans, pour qui trouver un travail a toujours été compliqué. "J'ai eu un bassin fracturée, je boîte et j'ai une sorte de paralysie du côté gauche", explique cette femme qui vit dans la région de Dijon. "A chaque fois que je cherchais du travail, il fallait que j'envoie de 100 à 200 candidatures", raconte-t-elle. Et pendant les entretiens, elle attend la fin de l'échange pour évoquer son handicap. La conclusion était alors sans appel : "là, la personne disait : 'ça ne va pas aller avec vous'". Pourtant, "frapper des courriers, classer des dossiers, accueillir les gens… par rapport à mon handicap, c'est tout à fait faisable et accessible", se défend Séverine.  "On me disait que, comme j'étais handicapé, je n'allais pas être comme les autres donc ça n'allait pas aller", déplore-t-elle.

Que dit la loi actuelle ?

Une obligation d'embauche... Selon la loi de 1987, les entreprises employant plus de 20 salariés doivent embaucher des personnes handicapées à hauteur de 6% de leur effectif total, explique sur son site le ministère de l'Emploi. La nature de l'embauche est libre : elle peut se faire en stage, en CDD ou en CDI, à temps partiel ou à temps plein. Depuis 2005, la fonction publique a la même obligation. En échange, les employeurs reçoivent des aides de l’Association pour la gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph).

… ou bien une cotisation annuelle. A défaut d'embaucher des handicapés, un chef d'entreprise doit verser une contribution annuelle à cette même Agefiph. La fonction publique, elle, participe au budget du  le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP).

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Qui en bénéficie ? Les personnes handicapées, mais aussi les invalides, les victimes  de guerre ou d'attentat, les pompiers victimes d'un accident du travail peuvent profiter des dispositions de la loi de 1987. Selon les chiffres de l'Etat, actuellement 2,7 millions de personnes se sont vu reconnaître le statut d'handicapés.

Quelle réforme préconise le Conseil national handicap ?

Des fonds déficitaires. La loi de 1987 avait un objectif simple : réduire le taux de chômage des personnes handicapées. Trente ans après, des progrès ont été observés. Les taux d'emploi sont de 5,3% dans le secteur public et de 3,3% dans le privé. Mais le texte a été victime de son succès, comme explique le journal Les Echos dans son édition de lundi : les employeurs recrutent de plus en plus de personnes handicapées, les deux fonds, Agefiph et FIPHFP, reçoivent moins de fonds et sont… déficitaires.

6%, un plafond. De plus, l'objectif de 6% "plafonne aujoud'hui", reconnaît Sophie Cluzel, la secrétaire d'Etat chargées des personnes handicapées, dans une interview donnée aux Echos lundi. Pour exemple, des entreprises arrêtent de faire des efforts, une fois la barre des 6% atteinte. Par ailleurs, d'autres conservent leurs employés vieillissants, qui basculent en partie dans l'invalidité. Par conséquent, elles n'embauchent pas de nouveaux salariés et bloquent ainsi le recrutement d'handicapés en recherche d'emploi. Le recul de l'âge à la retraite aggrave cette situation.

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Vers une cotisation universelle ? Devant ce constat, le Conseil national handicap (CNH) a décidé de prendre le devant en avançant d'ores et déjà des pistes de réforme. Adieu la cotisation annuelle pour pallier l'absence d'handicapés dans une entreprise, place à une cotisation universelle, calculée sur la masse salariale. Pour le CNH en effet, tous les patrons doivent contribuer à l'effort car tout le monde est susceptible d'être concerné par le handicap ou l'invalidité au moins une fois dans sa vie. Cette contribution serait ajustée sur l'attitude de l'employeur : plus il embaucherait d'handicapés, plus la contribution serait basse.

Mieux former les handicapés. Deux autres chantiers sont aussi dans le viseur de la secrétaire d'Etat. Les personnes handicapées sont deux fois moins qualifiées que la moyenne, beaucoup d'entre elles se découragent en effet face à des structures souvent inadaptées à leur situation. Or, ce manque de qualification, en plus d'entraîner un niveau de vie plus bas que celui des valides, est un frein évident à l'embauche. Selon Sophie Cluzel, améliorer leurs qualifications est un impératif. L'accompagnement des chefs d'entreprise en est un autre. La secrétaire d'Etat prévient : une réforme est d'autant plus urgente que la loi de 2005 a ouvert l'école aux handicapés. Ils vont donc être nombreux à accéder au marché de l'emploi les prochaines années. Pour la mise en place de la réforme, les personnes handicapées vont cependant devoir patienter encore un peu. Une mission sur l'emploi des personnes en situation de handicap a été confiée à l'ex-sénatrice Dominique Gillot. Elle doit rendre ses premières conclusions en mars 2018.