Chanel condamné pour contrefaçon

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avec Matthieu Bock , modifié à
Accusé par un sous-traitant, le groupe de luxe évoque un "malentendu".

Plutôt habitué à traquer les contrefaçons de ses vêtements et autres sacs, Chanel se retrouve de l'autre côté de la barrière. Le géant du luxe vient en effet d’être condamné pour contrefaçon. Sa faute ? S’être visiblement un peu trop inspiré d’une technique mise au point par l’un de ses sous-traitants avec lequel la marque avait en plus rompu ses relations commerciales.

World Tricot, du travail d’insertion à la haute couture

A l’origine de cette affaire, la société World Tricot implantée en Haute-Saône, "une entreprise vraiment particulière", dixit sa fondatrice Carmen Colle. Avec l’aide de l’abbé pierre et du Secours catholique, elle a réussi à monter  à la fin des années 1980 une entreprise de textile avec des femmes en pleine réinsertion.

"Il fallait vraiment avoir de l’audace pour croire en des femmes qui voulaient créer leur entreprise. En plus, certaines femmes ne parlaient pas français donc on n’avait rien pour être crédible", rappelle-t-elle pour Europe 1. La société réussit si bien qu’elle devient un sous-traitant de Chanel jusqu’à ce que les choses se corsent.

Une trouvaille reprise sans autorisation

Carmen Colle passait devant une boutique Chanel à Tokyo lorsqu’elle avait reconnu dans la vitrine le motif au crochet qu'elle avait proposé à la marque en 2004 mais que celle-ci avait finalement refusé, en dépit de son enthousiasme initial.

World Tricot se décide alors à attaquer en justice Chanel pour contrefaçon, d’autant que cette dernière rompt alors tout lien commercial avec son sous-traitant. Au terme de sept années de procédure, Chanel a été condamnée vendredi à 200.000 euros de dommages et intérêts pour contrefaçon. La Cour d’appel de Paris a cassé un précédent jugement datant de décembre 2009 et qui avait blanchi la maison de luxe.

"J’ai eu du mal à y croire"

"Quand mon avocat m’a dit ‘ça y est, Chanel a été condamnée’, j’ai eu du mal à y croire. Je ne pensais pas du tout qu’un tribunal ose, qu’il ait ce courage. Je ne m’attendais à rien", a réagi la fondatrice de World Tricot, aujourd’hui à la retraite.

Carmen Colle a d’autant plus été émue que "on a été obligé de prendre des mesures qui ont fait des drames. L’entreprise a été fermée, nous sommes en train de redémarrer. C’est dommage qu’on en soit arrivés là, qu’il n’y ait pas eu d’entente possible, de reconnaissance du fabriquant. C’est dommage parce que c’est une perte de temps et d’énergie."

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Chanel visiblement surpris

Du côté de la maison de luxe, on est tout aussi étonné. "Nous n'avons jamais été confrontés à une situation de ce type auparavant, sachant que nous travaillons avec près de 400 fournisseurs. Ce cas bien spécifique ne reflète pas la qualité de nos relations avec nos fournisseurs", s’est défendu Bruno Pavlovsky, qui dirige la branche Mode de Chanel.

Pour sa défense, la marque de luxe invoque un "malentendu". "Cette histoire est dommage. C'est un malentendu qui concerne un échantillon de crochet et la première décision de justice avait reconnu notre rôle de création", a argumenté vendredi le service de communication de Chanel.

Mais innocenté pour sa rupture de contrat

Reconnu coupable de contrefaçon, Chanel a en revanche été innocentée dans un autre volet de l’affaire. World Tricot l’accusait d’avoir rompu de manière fautive ses liens commerciaux et avait obtenu gain de cause en première instance.

"C'est important pour notre image avec les fournisseurs", a souligné Chanel, qui avait alors été condamnée à payer 400.000 euros. "Chanel fait travailler près de 400 fournisseurs et pour la plupart depuis plus de 15 ans, certains depuis plus de 30 ans", a ajouté la maison, soulignant que "l'affaire avec World Tricot est très spécifique, très technique et totalement inédite".