Cet "exercice de solidarité" qui irrite les universités

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BUDGET - Le gouvernement va prélever de l’argent dans les universités qui ont constitué une réserve pour le reverser à celles en difficulté.

La décision du ministère de l’Education est attendue officiellement lundi, mais le monde universitaire en connait déjà les grandes lignes et certains ne cachent pas leur agacement : pour boucler le financement des dotations qui seront versées aux établissements de l'enseignement supérieur, l’Etat compte piocher dans les réserves constituées par certaines universités. De quoi énerver celles qui estiment avoir fait des efforts depuis la loi sur l’autonomie.

100 millions à trouver pour boucler le budget. Depuis la réforme LRU, qui confère plus d’autonomie aux universités, le budget de chaque établissement est géré dans le cadre d’un plan pluriannuel conclu avec l’Etat. Mais certaines évolutions n’avaient pas été anticipées : la hausse du nombre d'étudiants combinée à l'exemption des droits d'inscription dont bénéficient les boursiers. En plus de ce surcoût, les universités doivent prendre en compte la hausse automatique de la masse salariale, des "mesures  catégorielles" pour les personnels de catégorie B et C et la création des 1.000 postes par an prévue chaque année sur le quinquennat.

L’Etat doit donc trouver 200 millions d’euros supplémentaires pour les universités, une somme qu’il va en partie aller chercher… du côté de certaines universités. Au nom d’un "exercice de solidarité", dixit le ministère de l’Education, l’Etat veut récupérer 100 millions d’euros dans les poches des établissements qui se sont constitué une réserve pour les redistribuer.

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Une sanction pour "les universités les plus vertueuses" ? L’Etat va donc piocher dans les fonds de roulement d’une cinquantaine d’établissements, dont les réserves financières sont jugées plus élevées que la moyenne par l’Etat : 11 des 76 universités, 25 des 36 écoles d'ingénieurs et une dizaine de grands établissements. Seront notamment mis à contribution : l'université d'Artois à Arras (plus de 24 millions d'euros), celle de Lille II (8,75 millions), Paris II (7,66 millions) ou encore Grenoble II (6,68 millions)

Une ponction qui passe très mal dans les établissements concernés, qui y voient une contradiction avec le cap qui leur a été fixé depuis 2007 : l’autonomie budgétaire. Ces dernières ont donc fait des efforts financiers et estiment devoir payer pour les établissements qui n’ont pas joué le jeu. Jean-Loup Salzmann, président de la Conférence des présidents d'université (CPU), estime que l’Etat sanctionne "les universités les plus vertueuses", un choix "inepte" à ses yeux. D’autant que cet exercice se reproduira l’année prochaine et qu’il faudra, cette fois-ci, trouver non pas 200 mais 300 millions d'euros.

Un agacement qu’on retrouve également du côté de François Cansell, président de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI). "Cela fait des années que nous assainissons nos comptes. Ce sont ceux qui y ont le plus travaillé qui seront pénalisés", a-t-il réagi dans Le Monde. "C’est la prime à une gestion dispendieuse : allez-y, dépensez votre argent ! A la fin, il n’y aura aucune conséquence, l’Etat fera une rallonge en prenant de l’argent aux autres", s'étrangle-t-il.

Que répond l’Etat ? Le ministère de l’Education nationale ne partage pas ce point de vue et estime que les universités ponctionnées le seront parce qu’elles ont été trop prudentes et ont mis trop d’argent de côté. Et le ministère d’invoquer un rapport de l'Inspection générale des Finances (IGF) et de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR), qui montre que les fonds de roulement des universités et écoles totalisent 1,5 milliard d'euros en 2014, dont le quart restait "libre d'emploi". En ne s'appropriant que 100 millions sur ces 375 millions "libre d'emploi", le ministère de l’Education estime avoir déjà fait preuve de modération.

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