Ça y est, les Européens ont une arme pour se protéger de leur banques

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POST-CRISE - Les membres de l’UE se sont mis d’accord jeudi sur l’Union bancaire, censée prévenir toute nouvelle faillite.

L’info. Comme souvent, les négociations entre Européens ont duré toute la nuit. Au terme de 16 heures de débat, les Etats-membres de l’Union européenne et le Parlement européen sont tombés d’accord sur la réforme instaurant une Union bancaire. Son objectif ? Faire en sorte que la chute d'une banque ne se propage pas à tous les établissements de la zone euro, ce qui a par le passé conduit les Etats concernés à voler au secours de leur(s) banque(s).

Une version modifiée à la marge. Le texte adopté définitivement est quasi-identique à la version sur laquelle les gouvernements se sont accordés en décembre 2013. Les députés européens n’ont apporté que deux modifications : un calendrier raccourci pour constituer une caisse commune de secours, le "fonds de résolution", et une procédure simplifiée et accélérée pour décider si une banque doit être sauvée.

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>> Au-delà de ces détails, en quoi consiste cette Union bancaire ? Que se passera-t-il désormais lorsqu’un établissement bancaire fera faillite ? Europe1.fr avait posé en décembre 2013 la question à Laurence Scialom, économiste à l'université Paris-X et auteur de l’ouvrage Economie bancaire, ainsi qu’à Jean-Paul Pollin, membre du Cercle des économistes et professeur à l'université d'Orléans.

Le "conseil de résolution" chargé d’établir le diagnostic. Si une banque vacille, la première étape sera le passage devant le superviseur de la Banque centrale européenne. Si ce dernier tarde à réagir aux difficultés d’une banque, le Conseil de résolution peut s’emparer de la question. La BCE ou, le cas échéant, le Conseil de résolution décideront alors s’il faut laisser l’établissement faire faillite, ou entamer son sauvetage. Cette décision pourra être contestée par la Commission européenne et si un Etat veut dire "non", il devra passer par la Commission. Mais ils n’auront que 48 heures pour le faire, l’objectif étant de trouver une solution "en un week-end parce que les fuites de dépôts peuvent être très rapides. Il faut avoir décidé entre le vendredi, lorsque vous fermez la banque, et sa réouverture le lundi, comme c’est le cas aux Etats-Unis", décrypte Laurence Scialom.

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Deux options : le sauvetage ou la liquidation. Les Européens peuvent décider de laisser couler une banque mais Laurence Scialom le souligne d’emblée : "dans le cadre bancaire, on ne peut pas fermer un établissement du jour au lendemain. La résolution bancaire sert justement à éviter qu’on ne ferme et liquide une banque". L’objectif est plutôt "d’avoir des outils juridiques et de financement pour permettre de se donner du temps pour résoudre une crise en minimisant les pertes finales", poursuit-elle.

Point de fermeture donc, "on procédera plutôt à un démantèlement, à un rachat par une autre banque ou on l’obligera à se séparer d’une partie de ses activités", détaille Laurence Scialom. Autre possibilité, créer une banque de défaisance pour séparer les "actifs pourris" du reste de la banque et lui permettre de rebondir. Et si la banque ne fait que traverser une mauvaise passe, on privilégiera la recapitalisation. Dans tous les cas, il y aura de la perte de valeurs. Reste à savoir qui l’assumera.

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Qui paiera ? Que la banque soit sauvée ou fasse faillite, les premiers à régler la facture seront les actionnaires de la banque, puis les créanciers privés, c’est-à-dire les investisseurs qui lui ont prêté de l’argent. Pour compléter, on puisera dans le fonds de résolution, doté in fine de 55 milliards d’euros et alimenté chaque année par les banques elles-mêmes à hauteur de 0,1% de leurs dépôts. Mais comme cette enveloppe sera limitée et garnie progressivement entre 2015 et 2023, il y a fort à parier qu’il faudra trouver encore de l’argent. "Jusque là, les Etats resteront en première ligne pour sauver leurs propres banques", précise Laurence Scialom, même si leur contribution sera réduite par rapport à la précédente crise. En attendant 2023, "un Etat pourra faire appel au Mecanisme européen de stabilité, comme ce fut le cas de l’Espagne en 2012" pour emprunter de l’argent et l’allouer à la banque en question, rappelle Jean-Paul Pollin.

L’affirmation du commissaire européen Michel Barnier fin décembre, selon laquelle "les banques paieront pour les banques, plutôt que les contribuables", est donc un brin présomptueuse. Car si une banque coule avant 2023, le fonds de résolution ne sera pas suffisamment garni et nécessitera l’aide de l’Etat et donc, in fine, de ses contribuables.

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Bilan : la zone euro a-t-elle trouvé son pompier ? Les Européens ont fait un pas dans la même direction mais parler de pas de géant est un peu optimiste. "C’est une avancé mais l’union bancaire ne peut être qu’une étape, elle est loin d’être assez robuste", conclut Jean-Paul Pollin. Et ce dernier de souligner qu’il faut également "réformer leur structure en procédant à une séparation des activités bancaires", faute de quoi tout cela n’aura été "qu’une usine à gaz". "On a fait une avancée majeure, même s’il va falloir revenir sur ce dossier. On a reporté la mutualisation des pertes au niveau européen à un horizon lointain, dans dix ans", abonde Laurence Scialom. Et cette dernière de conclure : "il faudrait que les Etats puissent agir préventivement de manière à empêcher les banques de prendre trop de risques, par exemple sur les produits dérivés".

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