Avant le G7, la riposte musclée de l’Union européenne aux taxes américaines

La commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström a obtenu l'unité des États membres.
La commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström a obtenu l'unité des États membres. © EMMANUEL DUNAND / AFP
  • Copié
, modifié à
Une semaine après la mise en place des taxes américaines sur l’acier et l’aluminium, l’Union européenne a contre-attaqué avec ses propres sanctions.

Pendant deux jours, le cœur de l’économie mondiale va battre à Charlevoix, petite municipalité du Québec qui accueille le sommet annuel du G7. Un G7 qui ressemble plus, pour une fois, à un "G6 contre 1". Dans le rôle du pays seul contre tous, les États-Unis (le G7 regroupe par ailleurs le Japon, l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, l’Italie et le Canada) arrivent en fâcheuse position au Canada après la décision de Donald Trump de taxer les importations européennes, canadiennes, mexicaines et chinoises (entre autres) d’acier et d’aluminium. Loin de se laisser faire, l’UE a décidé de riposter et de frapper fort.

Sanctions maximales. Le 31 mai, Donald Trump a confirmé que l’Union européenne, le Mexique et le Canada ne seraient pas exclus des taxes de 25% sur l’acier et 10% sur l’aluminium, imposées par son administration faute d’accord trouvé avant les délais impartis. Bruxelles avait immédiatement averti qu’elle allait riposter et mis sur la table une liste de produits américains potentiellement taxables, allant des jeans au bourbon en passant par l’acier, aussi, et les yachts. Mercredi, les commissaires européens se sont mis d’accord sur les sanctions commerciales destinées à rééquilibrer la balance.

La Commission aurait pu se contenter de ne sanctionner qu’une partie des produits de la liste. Finalement, elle a opté pour la totale. Concrètement, la Commission européenne propose aux États membres des taxes additionnelles, généralement à hauteur de 25%, sur l’intégralité des produits fabriqués aux États-Unis inclus dans la liste qu'elle avait préalablement présentée à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Montant total des taxes européennes : 2,8 milliards d’euros. Ces mesures de rétorsion sont "pleinement conformes aux règles de l’OMC". "Il s'agit d'une réponse mesurée et proportionnée à la décision unilatérale et illégale prise par les États-Unis", a affirmé le vice-président de l'exécutif européen Maros Sefcovic.

Une riposte à l’unisson. Les règles de l'OMC permettent à l’UE d'instaurer des droits de douane correspondant, en valeur, aux dommages causés par la décision américaine sur ses exportations d'acier et d'aluminium vers les États-Unis, soit au total 6,4 milliards d'euros en 2017. "Le rééquilibrage" sur les 3,6 milliards d'euros restants (6,4 milliards moins les 2,8 milliards de taxes), aura lieu soit "dans trois ans", soit après une éventuelle victoire des Européens devant l'OMC si cela devait arriver plus tôt, l'UE ayant déposé une plainte dès le 1er juin.

Le fait que la Commission aille aussi loin au niveau des sanctions témoigne de l’unité des pays membres, alors même que certains étaient opposés à une réponse musclée. L'Allemagne, qui a le plus à perdre d'une guerre commerciale avec les États-Unis, était jusqu'à présent plutôt réticente à taxer tous les produits de la liste. Finalement, Angela Merkel s’est résolue à employer la manière forte pour répondre à Donald Trump. "Nous avons reçu le plein soutien de tous les États membres sur les mesures qui sont aujourd'hui proposées", a d'ailleurs assuré mercredi Jyrki Katainen, autre vice-président de la Commission.

Encore une main tendue. Les mesures de rétorsion de l'UE entreront en vigueur en juillet. "La Commission européenne s'attend à conclure la procédure, en coordination avec les États membres, avant la fin du mois de juin, de manière à ce que les nouveaux droits (sur les produits américains) commencent à s'appliquer en juillet", a affirmé le vice-président de la Commission Maros Sefcovic.

Si l’UE semble donc prête à aller au clash commercial avec Washington, elle garde toutefois une main tendue vers son allié historique. Jyrki Katainen a rappelé que les Européens étaient prêts à entamer des discussions commerciales avec les États-Unis en vue d'abaisser les droits de douane sur les biens industriels, y compris les voitures, afin d'échapper aux taxes américaines. "Ils ont refusé cette offre, mais elle est toujours valide", a-t-il dit. "Si les Américains veulent commencer à améliorer l'environnement commercial, ils trouveront toujours un ami de ce côté-ci de l'Atlantique."

Un G7 sous tension

Le timing des sanctions européennes ne doit rien au hasard. Ce sont unis que les États membres de l’UE vont débarquer au sommet du G7 jeudi. Ils pourront compter sur le soutien de leurs alliés japonais et canadiens qui préparent également leur riposte. Emmanuel Macron et Justin Trudeau se sont exprimés en chœur jeudi, en amont du sommet, pour avertir Donald Trump. "Ces actions inacceptables sont en train de faire mal à ses propres citoyens. Ce sont des emplois américains qui vont être perdus", a assuré le Premier ministre canadien.

De son côté, le président français a estimé que les taxes décidées par Donald Trump "sont contre-productives y compris pour son économie". Le Canada et la France, tout en souhaitant "tenir les États-Unis dans le concert des nations", sont prêts à envisager la suite sans Washington, a prévenu Emmanuel Macron. "Le marché des six autres pays du G7 est plus grand que le marché américain", a souligné le chef de l’État.