Au fait, comment ça marche un paradis fiscal ?

Le Panama est l'un des paradis fiscaux les plus connus.
Le Panama est l'un des paradis fiscaux les plus connus. © JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP
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Les "Paradise Papers" mettent une nouvelle fois en évidence le rôle des paradis fiscaux dans l’économie mondiale. Ces territoires, entourés de mystère, résistent aux pressions politiques.

Quel rapport entre les îles ensoleillées des Bermudes, le Luxembourg, Malte, ou encore le petit archipel du Vanuatu ? Ce sont tous des paradis fiscaux. Souvent évoqués dans le cadre d’enquêtes autour de l’évasion fiscale, ils sont de nouveau sous les projecteurs dans le cadre des "Paradise Papers", nouvelles révélations sur les pratiques d’optimisation fiscale à la limite de la légalité. Cette enquête journalistique internationale établit que 350 milliards d’euros échappent aux États du monde entier à cause de l’évasion vers les paradis fiscaux. Mais comment ces derniers fonctionnent-ils concrètement ?

 

Pas ou peu d’impôts. Contrairement à la grande majorité des États, les paradis fiscaux sont des pays, ou des territoires rattachés à un pays, qui ne lèvent pas ou peu d’impôts. Là où la France, les États-Unis, la Chine, etc. font payer à leurs citoyens des impôts, par exemple sur le revenu, les sociétés, l’héritage ou la fortune, les paradis fiscaux proposent des taux réduits de ces impôts, voire les suppriment purement et simplement. Une politique qui oblige ces pays à se passer des recettes fiscales liées aux impôts en échange de contreparties (emplois, dynamisme local).

Résultat, ces territoires, souvent petits, attirent les multinationales et les grandes fortunes désireuses de payer moins d’impôts. En soi, cette concurrence fiscale n’a rien d’illégal. Rien n’empêche un particulier ou une entreprise d’opter pour un pays parce que l’impôt y est plus faible. Ainsi, au sein même de l’Union européenne, l’Irlande est un paradis fiscal pour les entreprises puisque son taux d’imposition sur les sociétés n’est que de 12,5% (contre 33% en France). Un taux alléchant qui a conduit de grands groupes comme Google et Apple à installer le siège de leurs activités européennes en Irlande.

Manque de transparence. Autre critère qui définit un paradis fiscal : l’opacité. Le plus souvent, les paradis fiscaux permettent aux personnes qui veulent y placer leur argent ou domicilier leur entreprise de dissimuler leur identité derrière des faux noms. Ce manque de transparence concourt aussi à faire des paradis fiscaux des centres de transit et de blanchiment de l’argent sale (corruption, crime organisé, terrorisme). Ajouté au manque de coopération de ces pays, il est ainsi très difficile pour les administrations fiscales des autres États de savoir où leurs citoyens transfèrent leur argent.

Car c’est bien là le problème avec les paradis fiscaux : certaines personnes et entreprises veulent le beurre et l’argent du beurre. Autrement dit, profiter à la fois des avantages économiques, politiques et sociaux de leur pays de résidence, et des régimes fiscaux avantageux de ces centres dits "offshore". C’est notamment le cas de nombreuses grandes fortunes, domiciliées dans des pays où l’impôt est normal pour leurs activités, mais qui transfèrent ensuite leur argent vers des paradis fiscaux.

A la limite de la légalité. C’est ce genre de pratique qu’on appelle "évasion fiscale". Elle peut être légale, comme dans le cas des révélations des "Paradise Papers" et c’est alors de l’optimisation fiscale ; ou illégale, comme l’ont montré les "Panama Papers", et on parle de fraude fiscale. C’est là qu’interviennent les cabinets d’avocats spécialisés (Mossack Fonseca au Panama, Appleby aux Bermudes pour les "Paradise Papers"), qui fournissent des conseils à leurs clients pour réduire leur impôt et inventent des montages parfois très sophistiqués d’optimisation fiscale, en jouant sur les failles réglementaires et en flirtant avec la légalité.

 

La seule évasion fiscale (fraude non-comprise donc) coûterait ainsi 350 milliards d’euros chaque année aux États du monde entier (l’équivalent du PIB de la Norvège), dont 120 milliards pour l’Union européenne et 20 milliards pour la France. Des sommes qui ont contribué, au fil des ans, à rendre les paradis fiscaux très compliqués à combattre. Si des progrès ont été faits, notamment en termes de transparence et d’encadrement de l’optimisation fiscale, la finance offshore a encore de beaux jours devant elle.

 

 

 

Pas vraiment de liste officielle

Jusqu’en 2009, date de sortie du dernier pays inscrit, l’OCDE publiait chaque année sa liste noire des paradis fiscaux. Depuis, il ne reste qu’une liste des pays non-coopératifs. L’Union européenne planche actuellement sur une liste commune mais le procédé est complexe, chaque pays membre ayant ses propres critères. Le problème est qu’une partie des paradis fiscaux sont des territoires rattachés à des pays : les îles Caïmans et les îles Vierges sont des territoires d’outre-mer du Royaume-Uni auxquels il faut ajouter les dépendances que sont Jersey et Guernesey, l’État américain du Delaware entre dans certaines listes, de même que Hong Kong qui est lié à la Chine. On parle même parfois de la City, le centre financier de Londres, qui abriterait des dépôts offshore. Le dossier est autant économique que politique…