Au fait, c'est quoi être "pauvre" ?

Marisol Touraine a donné lundi le coup d'envoi de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté, la précarité et l'exclusion, qui s'étend jusqu'à mardi.
Marisol Touraine a donné lundi le coup d'envoi de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté, la précarité et l'exclusion, qui s'étend jusqu'à mardi. © MAX PPP
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La conférence nationale de lutte contre la pauvreté a débuté. Portrait robot d'un pauvre en France.

"Il est temps, plus que temps, de dire non à banalisation de la pauvreté." Marisol Touraine a donné lundi le coup d'envoi de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté, la précarité et l'exclusion, qui s'étend jusqu'à mardi. La ministre des Affaires sociales promet "de combattre et faire reculer" ces fléaux.

Comment ? Aucune réponse précise ne sera apportée à l'issue de la concertation. Ce sera simplement  "l'occasion de mettre la pauvreté au cœur de la République", pour reprendre les mots de la ministre déléguée chargée de la lutte contre l'exclusion, Marie-Arlette Carlotti. "Ce n'est pas un aboutissement, c'est une étape importante pour définir un plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté" avance également cette dernière.

>>> Car avant de "faire reculer" le fléau, encore faut-il l'identifier. Qu'est ce qu'être pauvre en France aujourd'hui ?  Europe1.fr vous en dresse un portrait robot.

RSA long

• Être pauvre, c'est percevoir les minimas sociaux. C'est la définition administrative de la pauvreté. En 2012, la France comptait 3,6 millions de bénéficiaires des minimas sociaux. Et, selon une enquête de l'Observatoire des inégalités, plus de 6 millions de personnes (bénéficiaires + leurs entourages) en bénéficient réellement, soit 9,8% de la population française. Parmi les 3,6 millions, 1,4 touchent le RSA, qui s'élève à 475 euros par mois. Mais ce critère ne prend pas en compte tous les pauvres, et prend, à l'inverse, en compte des personnes qui ne le sont pas forcément. La Caisse d'allocation familiale évalue en effet à 5% la fraude au RSA et assure que 68% des bénéficiaires du RSA activité ne le demandent pas.

• Être pauvre, c'est vivre avec  964 euros par mois. C'est ce qu'on appelle le "seuil de pauvreté monétaire", fixé à 60% du revenu médian de la population. En 2010, selon les derniers statistiques de l'Insee, la France comptait ainsi 8,6 millions de pauvres suivant ce critère. Le taux de pauvreté atteint ainsi 14,1% de la population. Parmi eux, ils seraient entre 1,9 et 3,3 millions de "travailleurs pauvres".

Restos du coeur bandeau

Mais le critère ne fait pas l'unanimité. "C’est un chiffre totalement arbitraire et normatif. Ça pourrait être 40 ou 70%. On risque de s'attirer un discours du type : 'Mais de quoi vous parlez ? Les pauvres ne sont pas si pauvres', et de laisser croire que le modèle social français est impuissant" tacle ainsi Louis Maurin, l’un des fondateurs de l’Observatoire des inégalités, dans une interview à Rue 89. Par ailleurs, ce critère ne tient pas compte des ménages surendettés. Or, entre 5 et 6 millions de personnes sont en situation d'exclusion bancaire, selon des estimations de la Croix rouge française en date de décembre 2011.

• Être pauvre, c'est avoir "de mauvaises conditions de vie". C'est l'un des critères défendu par l'Observatoire des inégalités. Un ménage est considéré comme démuni lorsqu'il subit au moins huit privations dans une liste de vingt-sept (restrictions alimentaires, difficultés de logement, retards réguliers de paiement…).

banlieues

Ainsi, 7,5% des Français avaient des arriérés de factures courantes (gaz, électricité, eau), 30,9% ne pouvaient pas partir ne serait-ce qu'une semaine par an en vacances, et 7% étaient en incapacité de s'offrir un repas comportant de la viande ou du poisson (ou équivalent végétarien) un jour sur deux, en 2010, selon l'Observatoire des inégalités. Par ailleurs d'après l'Insee, 20% des Français seraient rentrés dans ce critère ou dans celui du seuil monétaire en 2010, et 5% cumuleraient les deux.

• Être pauvre, c'est avoir froid. De nombreuses associations militent pour mettre en lumière le problème de la précarité énergétique. Selon un rapport de l'Insee, 3,8 millions de ménages en France ont ainsi un taux d'effort énergétique supérieur à 10% de leur revenu tandis que 3,5 millions déclarent souffrir du froid dans leur logement, soit 14,8% des ménages. Ces chiffres concernent, évidemment, ceux qui ont un logement. Or, en 2012, la Fondation Abbé Pierre évalue à plus de 3,6 millions le nombre de personnes mal logées ou sans abri.

SDF Bandeau

• Être pauvre, ce n'est pas forcément se sentir pauvre. Près d'un Français sur deux (48%) se considère aujourd'hui comme pauvre ou en passe de le devenir, selon un sondage CSA pour Les Echos publié la semaine dernière. Mais, comme le rappelle l'Observatoire des inégalités, on peut gagner 3.000 euros et se sentir pauvre par rapport à celui qui en touche 100.000... "Il y a un moment où si on veut avoir un débat scientifique, il faut bien adopter des normes extérieures à ce que les gens pensent d’eux-mêmes", estime ainsi son co-fondateur Louis Maurin.