Année record pour Airbnb en France : bonne ou mauvaise nouvelle ?

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G.S. , modifié à
La plateforme de location en ligne a attiré plus de huit millions de visiteurs en 2016. C'est le double par rapport à 2015. 

2016 a été une année record en France pour Airbnb. La plateforme de location immobilière en ligne a attiré 8,3 millions de personnes dans les appartements qu’elle propose dans l’Hexagone, contre "seulement" 4,7 millions en 2015, a-t-on appris jeudi. Faut-il s’en réjouir ou s’en inquiéter ? Eléments de réponse.

IL FAUT S’EN RÉJOUIR CAR…

Cela limite l’impact d’une année touristique morose. Premier enseignement tiré de cette étude menée par le cabinet d’audit français Astères pour la plateforme américaine : l’activité d’Airbnb a eu un impact économique de 6,5 milliards d'euros sur un an en France en 2016. Cet impact prend en compte à "la fois les dépenses des voyageurs et les revenus des hôtes", écrit Airbnb dans cette étude, ajoutant que le site "a également soutenu 30.600 emplois contre 13.300 l'année précédente". Il s'agit de retombées économiques directes, avec l'argent gagné par les hôtes et indirectes, qui correspondent aux dépenses faites durant le séjour, comme les restaurants ou les commerces de bouche par exemple. Pour l'année 2015, Airbnb avait annoncé un impact économique de 2,5 milliards d'euros.

Ces chiffres sont difficilement vérifiables, mais les 8,3 millions de voyageurs attirés par Airbnb ont sans nul doute réussi à compenser en partie une année touristique morose : en 2016, la France a perdu plus de deux millions de touristes étrangers par rapport à 2015 (les professionnels du secteur imputant notamment cette mauvaise période aux attentats).

Cela a attiré du monde dans les campagnes. Deuxième élément de satisfaction : Airbnb réussit à attirer des touristes dans les campagnes, où les hôtels et autres lieux de villégiature sont généralement absents. 70% des "voyageurs Airbnb" ont dormi dans des communes de moins de 2.000 habitants. 15% de l’activité de la plateforme se fait même désormais dans une zone où il n’y a pas d’hôtel.

Cela "renforce le lien social". L'hôte type en France est âgé en moyenne de 44 ans. Mais 2016 a vu bondir le nombre de 60 ans et plus, qui est passé de presque rien à 16% des "hôtes". Outre un "complément de revenus", ces plus de 60 ans y trouvent aussi du "lien social", assure aussi Agnès Combier, fondatrice de la société de conciergerie Checkinthecity (qui aide les plus âgés à louer leurs biens), interrogée par Le Monde. Une donnée anecdotique d’un point de vue économique et difficilement vérifiable mais dont Airbnb ne manquera pas de s’enorgueillir.

IL FAUT S’EN INQUIÉTER CAR...

Cela concurrence les professionnels du tourisme. Ces arguments, Airbnb va en avoir besoin pour défendre sa légitimité. Car malgré ces quelques effets positifs, la plateforme en ligne reste très décriée, à commencer du côté des hôteliers. De l’aveu même de la plateforme, la moitié de ses clients auraient tout de même fait le déplacement si Airbnb n’était pas présent en France. Le site connaît par ailleurs une croissance de 50% dans les zones très touristiques, comme les Alpes, la Côte d’Azur ou le Pays Basque. L’UMIH, le syndicat des hôteliers, y voit une "concurrence déloyale", car la plateforme et ses hôtes paient un montant dérisoire de charges fiscales.

Cela accentue la crise du logement. C’est ce qui inquiète le plus les pouvoirs publics : tous les biens loués sur Airbnb sont autant de biens qui ne rentrent pas sur le marché des habitations. Or, plus il y a de biens sur le marché, plus les prix baissent. "Selon la ville de Paris, de 25.000 à 30.000 logements locatifs ont basculé en catimini et en toute illégalité dans une fonction d’hébergement touristique", écrivait Libération en 2015.

Contacté par Le Monde jeudi, Ian Brossat, adjoint chargé du logement à Paris, confirme sans donner de nouveaux chiffres : "Notre souci, c’est l’impact sur le logement". La loi Alur interdit les propriétaires particuliers de louer leurs biens plus de 120 jours par an. Mais son application est difficilement vérifiable, selon les professionnels de l’immobilier. La mairie de Paris a mis sur pied une équipe d’une vingtaine de contrôleurs, mais toutes les communes ne peuvent pas se le permettre.

Cela crée des revenus qui échappent à l’impôt. Dernier grief toujours reproché à la plateforme en ligne : la location via Airbnb serait un bon moyen d’échapper à l’impôt. Selon un récent rapport sénatorial, 15% des utilisateurs seulement déclarent leur revenu perçu par la location du bien. Et il est difficile, pour l’administration fiscale, de contrôler 8,3 millions de transaction par an. "Si tout le monde jouait le jeu, elle pourrait rapporter plus de 300 millions d’euros", avance l’UMIH au quotidien du soir, qui rappelle que la plateforme se contente, pour l’heure, de verser 7 millions d’euros par an au fisc.