Air France : semaine décisive après plus de deux mois de conflit

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Jean-Marc Janaillac a conditionné son avenir au sein d'Air France-KLM à la validation de l'accord salarial. © ERIC PIERMONT / AFP
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Romain David , modifié à
Alors qu’un nouveau préavis de grève a été déposé par les syndicats d’Air France, la direction doit dévoiler vendredi les résultats de sa consultation sur les salaires.

Hasard du calendrier, c'est la seconde fois que leurs mobilisations respectives convergent. Jeudi et vendredi, les salariés d’Air France font grève en même temps que ceux de la SNCF. Néanmoins, le conflit interne qui frappe depuis février la compagnie aérienne est peut-être sur le point de trouver sa résolution. Vendredi, la direction doit dévoiler les résultats du référendum qu’elle a organisé quant au plan de sortie de crise proposé aux salariés, mais que la grande majorité des syndicats a déjà rejeté.

Europe 1 fait le point sur un affrontement qui s’enlise depuis plus de deux mois, avec comme pomme de discorde l’épineuse question de la hausse des salaires.

Pourquoi les grèves se multiplient-elles chez Air France depuis la fin du mois de février ?

Les salariés d’Air France réclament une augmentation générale et immédiate de leur rémunération à hauteur de 5,1%, après sept ans de gel des salaires, en raison d’un important plan d’économies mis en place en 2012. Ce sont notamment les chiffres records de la compagnie en 2017, qui a enregistré un bénéfice d’exploitation de 1,488 milliard, soit une hausse de 42% sur un an, qui ont poussé les salariés à réclamer leur "part du gâteau". Onze organisations de pilotes, d’hôtesses et de stewards et de personnels au sol ont ainsi lancé un premier appel à la mobilisation le 22 février, soit la première grève réunissant toutes les catégories de personnel depuis 1993.

Après avoir proposé une première hausse des salaires de 1%, la direction du groupe se dit désormais prête à monter jusqu’à 7%, mais étalés sur quatre ans (2% en 2018 et 5% d'ici 2021). Car pour Air France, la reprise demeure fragile ; en parallèle des bénéfices réalisés, les coûts supportés par l’entreprise restent particulièrement lourds. Le changement de régime du fonds de pension des pilotes de KLM a notamment fait plonger ses résultats dans le rouge l’année dernière, avec un déficit de 274 millions d’euros. "Il est juste que le personnel qui a fait des efforts soit reconnu. Cependant, nous pensons qu'aller plus loin, ce serait remettre en cause l'équilibre de la compagnie d'autant qu'Air France a déjà la marge opérationnelle la plus faible de toutes les grandes compagnies européennes", avait plaidé sur notre antenne, en février, Jean-Marc Janaillac, le PDG du groupe.

Pourquoi la journée de jeudi est-elle cruciale pour l’avenir du conflit ?

Mi-avril, pour tenter de trouver une issue au conflit, la direction a donc fini par mettre sur la table une revalorisation immédiate de 2% des salaires, suivie d’une hausse de 5% sur trois ans. Mais cet accord, qui se veut soumis à la santé économique de l’entreprise, n’a pas trouvé grâce aux yeux des syndicats qui l’on rejeté, à l’exception de la CFDT. Pour contourner le problème, la direction a choisi de s’en remettre directement aux salariés, en organisant une consultation avec une question simple : "Pour permettre une issue positive au conflit en cours, êtes-vous favorable à l'accord salarial proposé le 16 avril 2018 ?". Contestant ce référendum, l'intersyndicale a appelé à deux nouveaux épisodes de grèves, les 3, 4 puis les 7 et 8 mai.

Les résultats de cette consultation par vote électronique, ouverte depuis le 26 avril, seront dévoilés vendredi. Surtout, Jean-Marc Janaillac, président du groupe Air France-KLM depuis 2016, a conditionné son avenir au sein de l’entreprise à la validation de cet accord par les salariés. Mais au vu du taux global de gréviste, passé sous la barre des 10% le 10 avril, il y a fort à parier que le dirigeant conserve son siège.

 

Pourquoi le torchon brûle-t-il entre la CFDT et le SNPL ?

Invité dimanche du Grand Rendez-vous d’Europe 1/ CNews/ Les Echos, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT a accusé le SNPL de "prendre tout le monde en otage". Il reproche au premier syndicat de pilotes d’utiliser la grogne pour défendre ses propres revendications. Les pilotes demandent en effet une hausse supplémentaire de 4,7%, en plus des 5,1% réclamés par l’intersyndicale pour l’ensemble des salariés, rappelle Le Figaro. "Ça va se passer comment à la fin si on suit le SNPL ? Les pilotes, on va leur donner de quoi s'en sortir, et le personnel au sol, il trinquera. On aura des suppressions d'effectifs, on aura des réductions de personnel", a averti Laurent Berger. Et de cibler plus particulièrement Philippe Evain, le président du SNPL, qui selon lui "se prend pour le lider maximo et veut emmener tous les personnels du sol avec lui". "Ils n'ont pas intérêt à le suivre", estime encore Laurent Berger qui appelle les salariés à accepter l’accord proposé. Le syndicaliste se montre toutefois nuancé sur l’exercice même de la consultation, qui permet à la direction de contourner le prisme syndical.

De son côté, le SNPL a estimé dans un communiqué que cette consultation "se fai[sait] hors de tout cadre légal", la qualifiant d’"opération de communication". De quoi laisser penser que le syndicat ne s’en tiendra pas aux résultats dévoilés vendredi. "Il s’agit d’une guerre d’usure", écrit-il.