Aides non versées ou supprimées : la filière agricole bio à la peine

La part des exploitations bio par rapport au nombre total d’exploitations a été multipliée par seize en 20 ans.
La part des exploitations bio par rapport au nombre total d’exploitations a été multipliée par seize en 20 ans. © CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP
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Anne-Laure Jumet édité par C.O. , modifié à
L'ENQUÊTE DU 8H - De nombreux agriculteurs bio attendent toujours des aides promises par l'Etat en 2015 ainsi que les aides de 2016 et de 2017. 20% de celles-ci n'auraient toujours pas été versées. 
L'ENQUÊTE DU 8H

Emmanuel Macron l'a dit mercredi à Rungis lors des Etats généraux de l'alimentation : il veut inciter les secteurs agricoles à s'organiser en filières et à aller davantage vers les circuits courts, l'agroécologie ou encore le bio. Mais pas sûr que le secteur bio puisse suivre la cadence. Du moins si la situation ne s'améliore pas. Car aujourd'hui, de nombreux agriculteurs bio attendent toujours des aides promises par l'Etat en 2015 ainsi que les aides de 2016 et de 2017.

20 % des aides non versées. Selon les calculs de la Confédération paysanne, 20 % des aides liées au bio n'ont toujours pas été versées. En cause : une sorte de bug informatique, avec des logiciels incapables de gérer des situations complexes. Cela s'explique aussi car les conversions au bio sont supérieures aux prévisions et cela coûte plus cher que prévu à l’Etat.

"Ils nous mènent en bateau". Julien Bon, producteur de soja et de luzerne bio dans l'Yonne compte parmi les agriculteurs impactés par ces retards. Depuis qu'il a converti son exploitation, il y a deux ans, il n'a pas reçu l'aide de 300.000 euros à laquelle il a en principe droit. "Depuis le début, ils nous mènent en bateau et nous font des attestations en nous disant qu'ils vont nous régler dans les deux mois, ça doit être la cinquième attestation que l’on reçoit donc les banques ne nous suivent plus, on est dans un labyrinthe et on ne sait plus quoi faire ", déplore l'agriculteur.

L'Etat promet une régularisation d'ici mars. Le gouvernement s'est engagé à régulariser la situation. Les aides de 2015 doivent être versées le mois prochain et, en mars 2018, tous les retards doivent avoir été épongés. Pour tenir ce calendrier très serré, des personnels vont être recrutés : l’équivalent de 300 postes l’an prochain.

Moins d'aides pour le bio. Mais à ce problème s'ajoute un autre. Le fait que le gouvernement prévoit de serrer la vis sur une partie des aides. A partir de l’an prochain, il va fermer le robinet des aides au maintien versées au-delà des cinq premières années du passage au bio. Ce sont les Régions qui vont désormais devoir dire si elles piochent dans leur propre budget pour maintenir ces aides localement. Ce qui rend ce financement très aléatoire.

"Il y a un besoin d’accompagner cette structuration". La décision a du mal à passer. Et surtout, elle arrive au plus mauvais moment, selon les acteurs du secteur. Car la demande en produits bio s'envole et c'est justement maintenant qu'il faut accompagner la filière. "C’est dommage car l’offre en France n’est pas suffisamment structurée en bio", souligne Claude Gruffat, président des magasins Biocoop. "Il y a un besoin d’accompagner cette structuration pendant au moins 5-8 ans pour que la France, premier pays agricole d’Europe mais le troisième en bio, devienne le premier pays en bio". 

Le risque de décourager les vocations. Il s'agit de ne pas casser une dynamique. Car la part des exploitations bio par rapport au nombre total d’exploitations a été multipliée par seize en vingt ans. Or le risque, avec la fin des aides au maintien, est donc de décourager des vocations assurent les acteurs du bio. Ceux qui hésitaient à franchir le pas pourraient reporter leurs décisions. Les acteurs du bio espèrent quand même une ouverture. Emmanuel Macron a confirmé mercredi une promesse de campagne : 200 millions d'euros par an seront versés pour rémunérer les services rendus par les agriculteurs sur le plan environnemental.