A Plouvien, on offre son littoral contre des emplois

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et François Coulon
INSOLITE - Une entreprise de cette commune bretonne ne peut pas s’agrandir à cause la loi Littoral. Alors le maire a décidé d’offrir son rivage au village voisin.

A Plouvien, commune du Finistère de 3.700 habitants, la vie économique repose sur deux piliers : des exploitations agricoles et la laiterie SILL (Société industrielle laitière du Léon). Alors quand cette dernière a annoncé son intention de s’agrandir, le maire s’est réjouit des nouveaux emplois que cette extension allait générer. Sauf qu’une telle opération est interdite par la loi Littoral, qui protège les bords de mer d’une bétonisation excessive. Qu’à cela ne tienne : le maire a décidé d’offrir son littoral à la commune voisine pour échapper à cette loi, une première.

Le développement de Plouvien face à la loi Littoral. Développement du tourisme de masse oblige, le littoral est devenu pendant les 30 Glorieuses l’une des zones où on a construit le plus, menaçant les équilibres biologiques et écologiques. En 1986, le législateur adopte donc la loi Littoral, qui limite l’urbanisation.

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Mais à Plouvien, cette loi empêche l’usine agro-alimentaire SILL, principal employeur de la commune, de réaliser une extension de son site : la construction d’une nouvelle tour de séchage de lait, un projet de 50 millions d'euros. Alors le maire de la commune a conclu un accord inédit avec son voisin, l’édile de Tréglonou : lui transférer les 20 hectares de littoral situés sur sa commune. Une opération entrée en application le 1er avril : depuis mercredi, Plouvien n’a donc officiellement plus de bord de mer et n’est donc plus soumis à la loi Littoral. 

"Une décision absurde face à une situation absurde". Un maire qui renonce à une partie de son territoire est un cas plutôt rare, mais Christian Calves n’a aucun remord. "Les contraintes sur toute une commune, au motif que sur quelques centaines de mètres il y a un aber (zone où un fleuve et la mer se rejoignent, ndlr) qui le touche, c’est incompréhensible. Je me suis dit ‘s’il n’y a pas de solution, ben voila, on va faire une petite amputation’", se justifie le maire. Et ce dernier de poursuivre : "c’est une décision absurde face à une situation absurde. Si on n’est plus soumis à la loi Littoral, ce bâtiment pourra se faire. Un investissement de 50 millions, créateur de 70 emplois sur la commune".

"Toute une procédure pour sortir de la loi littorale"

Un choix inédit mais que les habitants de la commune semblent accepter. "On préfère sauver une entreprise que d’être à côté de la mer. S’il faut, pour cela, donner les parts littoral à une autre commune, je ne vois pas du tout ou est le problème", estime une habitante. "Il y a 70 emplois à la clef. De nos jours, empêcher des emplois de se créer, c’est impensable", renchérit un autre. 

Un projet rattrapé par le droit. La commune a perdu dans l’opération quelques habitants et 8.000 euros de taxe foncière. Mais pour le maire, le jeu en vaut la chandelle puisqu’il devrait rapporter des dizaines d’emplois. D’autant que le patron de la SILL a prévenu, dans les colonnes du quotidien Ouest France : si les travaux d’extension de son entreprise ne débutent pas le 15 juin, il menace de jeter l’éponge.

Sauf que, dans la précipitation, le maire de Plouvien a oublié un petit détail. Le plan local d'urbanisme (PLU) autorisant l’extension de l’entreprise a été adopté quand la commune était encore soumise à la loi Littoral. Comme ce n’est plus le cas, le plan local d’urbanisme est caduc, si bien que le tribunal administratif de Rennes a annulé le permis de construire. La mairie doit donc en adopter un nouveau pour s’adapter à sa nouvelle situation. Ce qui devrait nécessiter plusieurs semaines supplémentaires, de quoi faire monter un peu plus la pression.

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