Réforme ferroviaire : quels risques pour les usagers ?

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Les cheminots entrent en grève lundi soir contre cette réforme, qui fait peser selon eux une menace sur leur emploi et la qualité du service.

La CGT-cheminots ne veut pas laisser passer la réforme ferroviaire, pourtant en vigueur depuis janvier. Le syndicat a déposé un nouveau préavis de grève à la SNCF, allant du lundi 9 mars à 19 heures au mercredi 11 mars à 8 heures. La réforme ferroviaire, qui a entraîné le rapprochement de la SNCF et du Réseau ferré de France (RFF) au sein d'une même entité, est censée rendre la compagnie ferroviaire plus efficace. Mais selon un rapport présenté jeudi dernier, près de 9.000 emplois nets pourraient disparaître d'ici à 2020 à cause de cette réforme.

>> En revanche, que risquent les usagers ?

Ce que prévoit concrètement la réforme. La loi, votée l'été dernier, réunit de nouveau la SNCF et les Réseaux Ferrés de France (RFF). Les deux organismes, qui n'en faisaient qu'un à l'origine, avaient été scindés en deux en 1997. La réforme n'a toutefois pas recréé la même entité : elle a fait naître trois établissements à caractère industriel et commercial, dits Epic. SNCF Réseau et SNCF Mobilités, qui reprendront les attributions de RFF et de la SNCF, sont ainsi supervisés par un troisième Epic, chargé de coordonner l'ensemble. Le but affiché : rationaliser les dépenses, afin d'enrayer une dette du ferroviaire qui dépasse les 40 milliards d'euros. Environ 1,5 milliard d'économies par an sont attendues grâce à cette réforme.

"On peut attendre de cette loi le redressement des qualités de service, l’efficacité du système, l’orientation raisonnée des investissements, la logique de programmation sera plus pertinente, l’amélioration de la performance économique et la maîtrise de la dette", avait défendu un rapport parlementaire sur la réforme publié en mai dernier.

Agent SNCF

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Un service de moindre qualité ? Sur le papier, un tel programme ne peut qu'allécher les voyageurs. Mais ce qui inquiète les syndicats, c'est le risque de voir le service se dégrader. Selon le cabinet  d'expertises Degest, qui a remis récemment une étude au Comité centrale d'entreprise de la SNCF, la branche Mobilité pourrait perdre 10.000 postes en cinq ans. Ce qui représenterait autant de cheminots, de contrôleurs ou de vendeurs en moins au service des usagers. Pour la CGT, cette réforme entraîne ainsi "une recherche effrénée d'économies pour auto-financer la réforme", dont "les cheminots et les usagers paient le prix". Le cabinet Degest prédit également une augmentation de la sous-traitance et "une forte diminution" du nombre de lignes, notamment les moins utilisées.

Ces coupes passent d'autant plus mal qu'elles ont déjà été entamées depuis longtemps. Entre 2003 et 2013, les effectifs du groupe public ont déjà fondu de 25.000 personnes, à coups de départs en retraite non remplacés. Et ce alors même que la masse salariale a bondi de 14%.

Le gouvernement se veut rassurant. Mais la direction de la SNCF a toutefois démenti les conclusions de ce rapport. Selon le gouvernement, le projet de loi privilégie même "les transports du quotidien, à travers la pérennité et la modernisation des trains d’équilibre du territoire". "La convention qui lie l’État en tant qu’autorité organisatrice et la SNCF a été prolongée. Le renouvellement du matériel roulant de ces lignes, avec une première tranche de 510 M€ investie dans l’achat de rames, a d’ores et déjà été lancé", vante le site du ministère du Développement durable, qui précise toutefois que "le grand plan de modernisation du réseau ferroviaire" sera "concentré sur les lignes sur lesquelles la circulation est la plus dense et sur les nœuds ferroviaires les plus saturés".

Côté prix, qu'est-ce qui va changer ? La réforme ferroviaire en elle-même ne devrait pas bouleverser les tarifs. Seul changement : depuis le 1er janvier, ce sont les Conseils régionaux qui ont le dernier mot pour fixer les prix sur les lignes TER, et non plus l’État.

Mais ce qui inquiète surtout les syndicats, c'est ce que prépare selon eux la loi ferroviaire : l'ouverture du rail à la concurrence, prévu pour 2019 ou 2022 dans le cadre de la nouvelle réglementation européenne. Or, cette ouverture peut avoir un effet double. Certaines lignes peu prisées et peu susceptibles d'intéresser la future concurrence risquent de voir leurs tarifs s'envoler. À l'inverse, les autres lignes  pourraient voir leurs tarifs tirés vers le bas : plus il y a de concurrents, plus les concurrents essaient d'être attractif. La FNAUT, la fédération national des associations d'usagers, appelle d'ailleurs de ses vœux cette concurrence et regrette même que la réforme ferroviaire ne la prévoit pas noir sur blanc.

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