Couples : que faire de notre jalousie ?

Jalousie développement personnel
Il existe différentes formes de jalousie. Certaines sont destructrices, d'autres peuvent s'avérer saines et utiles. © gasa / pixabay.com / Europe 1
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Maladive ou constructive, la jalousie peut prendre de multiples formes. Nos conseils pour apprendre à composer avec. 

"Le fracas de la jalousie est l'une des plus grandes douleurs humaines", assure la psychothérapeute Anne Clotilde Ziégler, auteure de La jalousie amoureuse, invitée lundi de La Vie devant soi, sur Europe 1. Mélange d’envie et de rancœur, de colère et de tristesse, de frustration et de dégoût, la jalousie s’invite, à des degrés divers, dans presque tous les couples. Elle est autant une "douleur" pour celui ou celle qu’habite le sentiment que pour celui ou celle qui en subit les foudres.

Il y a, toutefois, jalousie et jalousie. De l’inquiétude légitime liée à un comportement suspect à la paranoïa, il y a un monde. La jalousie qui permet au couple d’avancer, de s’interroger, qui aide chacun à trouver sa place diffère de la jalousie dite "maladive", qui ne s’appuie sur rien, et ne fait que détruire. Comment faire la différence ? Que faire de notre (ou plutôt, de nos) sentiment(s) de jalousie ?

La jalousie maladive, ou le signe d’une blessure profonde

Certaines crises de jalousies sont injustifiées. Parfois même, elles sont chroniques. Cette jalousie-là "relève d’une forme de paranoïa. Et le paranoïaque n’a, par définition, jamais tort ; s’il est persuadé que sa femme veut le tromper, rien ne pourra l’ébranler", indique Alain Krotenberg, psychiatre, interrogé par Psychologies magazine. Le jaloux (ou la jalouse) va alors tout mettre en œuvre pour contrôler l’autre et tenter de se rassurer, ou de prouver qu’il a raison, quitte à sur-interpréter le moindre signe. Un smiley dans un mail, un nouveau numéro dans son répertoire, une journée de travail qui s’éternise, un nouveau parfum… Dans ce cadre, tout devient source d’inquiétude, de colère, et de conflit.

Pour s’en sortir, il convient avant tout de s’interroger sur les raisons, parfois profondes, qui provoquent en nous cette forme de jalousie. "Cela doit pousser à prendre conscience de soi, de son histoire", avance la psychothérapeute Anne Clotilde Ziégler. "Ce sentiment peut être le fruit d’une trahison amoureuse précédente, ou même d’une trahison plus lointaine, liée à nos parents, notre famille. On va alors chercher la cohérence. On se considère inconsciemment comme un ‘être trahi’ et l’on va chercher inconsciemment à le démontrer", développe Anne Clotilde Ziégler. De même si vos parents étaient jaloux entre eux, peut-être en avez-vous déduit que la suspicion faisait partie inhérente du couple. "Au final, l'enfant se construit en apprenant à se méfier", avance le psychiatre Alain Braconnier dans Marie Claire.

" Cela peut aussi être l’occasion de vous interroger vous-même, sur vos critères qui vous font choisir un partenaire "

La prise de conscience des raisons de notre jalousie est alors la première étape pour rebondir. Il s’agit, ensuite, de sortir de notre dépendance affective à l’autre, de réapprendre à se dire : "je peux vivre sans lui" et de regagner confiance en soi. Souvent, en effet le/la jaloux(se) ne s’estime pas à la hauteur de l’autre. Et en même temps il pense qu’il ne pourra jamais vivre sans. Une thérapie, auprès d’un professionnel, peut alors s’avérer nécessaire. En parallèle, vous pouvez également vous entraîner à noter la fréquence de vos crises de jalousie et le degré de souffrance que cela entraîne chez vous, pour mieux vous aider à en prendre conscience. Un jeu de rôle peut également vous être utile : faites appel à un proche, dîtes-lui de jouer votre rôle et mettez-vous, par exemple, à la place de votre conjoint(e).

La jalousie "légère", un petit plus pour faire durer le couple

Toutes les jalousies ne sont, bien heureusement, pas de cet ordre. La jalousie maladive se caractérise par la répétition du sentiment jaloux, et par l’absence de raisons avérées. Mais ce sentiment peut aussi apparaître ponctuellement, pour des raisons justifiées, mais anodines. "Si votre épou(x)se rentre en disant, ‘tiens je me suis fait courtiser en sortant de chez le coiffeur’, il est de bon ton de la/le questionner, de montrer un peu d’agacement. Sinon, l’autre risque de se sentir relégué. La petite jalousie permet de rassurer l'autre. Cela fait partie du jeu amoureux", assure Anne Clotilde Ziégler.

Cette forme de jalousie peut même s’avérer tout à fait saine pour le couple. Elle met fin à l’illusion de l’exclusivité, elle aide à prendre du recul, à nous rappeler que les autres existent et que nous ne sommes pas que deux sur terre. En clair, elle nous rappelle à la réalité. "La jalousie introduit une faille dans la conviction délirante et érotomaniaque d’être aimé pour soi. Elle nous fait douter que nous puissions être tout pour l’autre comme l’autre est tout pour nous. C’est une passion salvatrice, car elle protège d’un narcissisme destructeur. Même si c’est sur un mode parfois paranoïaque, elle fait émerger la figure de l’autre, que la passion amoureuse tend à exclure", décrypte le psychanalyste Roland Gori, auteur de La logique des passions.

Ce "zest de jalousie", pour reprendre les termes d’Anne Clotilde Ziégler, peut alors être l’occasion de se réinventer, de trouver d’autres manière de se rendre désirables aux yeux de l’autre, de l’écouter encore davantage, de le ou la surprendre, et de mieux se rendre compte du bonheur que vous offre votre couple. Après tout, si les autres le/la courtisent, c’est qu’il/elle vaut le coup, non ?

La jalousie douloureuse, étape nécessaire au changement 

Certaines jalousies ne sont, toutefois, pas si anodines que cela. Il arrive que l’autre adopte vraiment un comportement inadapté avec un(e) ami(e) ou un(e) collègue. Il arrive qu’il change radicalement de comportement après un weekend entre "potes". Il arrive, enfin, que vous tombiez sur un SMS explicite (du type, "tes baisers me manquent") ou que la traque dans laquelle vous vous êtes lancée en culpabilisant vous emmène finalement devant un hôtel où vous retrouvez l’autre en "joyeuse" compagnie, comme on dit.

Dans ce cas, la jalousie est légitime. Et douloureuse. "C'est un choc, d'une extrême violence", prévient Anne Clotilde Ziégler. Et de poursuivre : "Toute la sinistre fanfare jalouse va alors se mettre en route. La personne va se remettre en cause elle-même, se comparer, se trouver vieille et moche, elle va douter de tout ce qui a été construit dans le couple, réinterpréter tous les signes", poursuit la thérapeute.

La première chose à faire est alors de ne pas refuser la réalité. "L'idée sera aussi de ne pas réagir sous le coup d'une émotion trop forte, d'attendre d'être dans de bonnes dispositions intellectuelles. Il s’agit ensuite de se dire que quoi qu’il nous arrive, il y a du positif. Cela peut amener à des discussions d’une rare profondeur pour le couple. Interrogez l’autre, demandez-lui ses raisons. Posez-lui des questions, mais évitez de lui demander trop de détails, surtout sur l’aspect sexuel : les images risquent de vous hanter toute la vie", détaille la spécialiste. Et de conclure : "Cela peut aussi être l’occasion de vous interroger vous-même, sur vos critères qui vous font choisir un partenaire, sur votre place au sein du couple, sur la dignité et le respect que l’autre vous accorde, etc".

Il est, surtout, primordial de faire la distinction entre ce que vous vivez et ce que vous êtes. Certes, quelque chose ne va pas dans le couple, mais vous n’êtes ni une mauvaise personne, ni une personne non désirable pour autant. D’innombrables raisons peuvent justifier une trahison de l’autre. Et ce n’est pas parce qu’il/elle vous a trahi qu’il/elle vous trahira toujours ou que vous ne retrouverez jamais quelqu’un de confiance. La jalousie peut être un outil. Mais elle est appelée à être dépassée.