Au fait, c’est quoi le développement personnel ?

Difficile d’accoler une définition précise et unique au développement personnel. © melindarmacaronikidcom / pixabay.com
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Des livres, des coachs, des pratiques… Les frontières du continent  "développement personnel" sont vastes. Europe 1 vous en propose une cartographie.

Comme un Français sur trois*, peut-être avez-vous, vous aussi, un ouvrage étiqueté "développement personnel" dans votre bibliothèque. Mais à quoi renvoie exactement ce terme ? Des méthodes pour travailler la bienveillance (envers soi et les autres), des appels à plus de légèreté dans sa vie, des conseils pour apprendre à respirer, à se soigner par les plantes ou à trouver sa voie en entreprise… Les thématiques regroupées sous cette bannière sont légion, que cela soit dans les rayons des librairies ou au sein des nombreuses formations de "coach" qui s’en revendiquent. Europe 1 vous aide à y voir plus clair.

  • Le développement personnel c’est… une philosophie de vie

Difficile d’accoler une définition précise et unique au développement personnel. Mais ce qui semble être le fil conducteur, c’est la volonté d’effectuer un travail sur soi. "Je préfère parler de dépouillement personnel", avance pour sa part Anne Cazaubon, experte du secteur et chroniqueuse à Europe 1. "J’aime bien l’idée de l’oignon, on effeuille couche après couche pour arriver à son essence profonde. Pour moi, le développement personnel vise la pleine réalisation de son potentiel et de ses aspirations profondes", résume-t-elle.   

 

En clair, le développement personnel est avant tout une façon de vivre, une manière d’être au monde. Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n’en as qu’une (Raphaëlle Giordano), De l’Art subtil de s’en f*utre. Un guide à contre-courant pour être soi-même (Marc Manson), Le Sel de la vie, lettre à un ami (Françoise Héritier)… La plupart des livres de "développement personnel" sont avant tout des appels à être soi, à se recentrer sur ses valeurs, ses rêves les plus profonds, en sortant du cercle des mauvaises habitudes héritées, entre autres, de notre enfance, d’une conception archaïque du travail ou d’une peur de sauter dans le grand bain de l’autonomie.

"Ce n’est pas une démarche égoïste. Réaliser son potentiel, c’est aussi trouver son talent, comment le mettre à profit, comment servir le monde et les autre… Il s’agit de trouver la clé pour décrocher de son smartphone et se reconnecter avec les autres et le monde. Ce qui passe par une meilleure connaissance de soi, complète Anne Cazaubon. C’est une ascèse, un effort de tous les jours. Il faut des jours et des jours avant de mettre fin à une habitude. Et il s’agit de faire tout ça en se foutant la paix, en acceptant de faire des erreurs, sans culpabiliser, sans les ressasser sans cesse".

  • Le développement personnel c’est… un ensemble de ressources

De nombreuses pistes s’offrent à tous ceux qui veulent travailler ce "dépouillement". "Ça peut passer tout simplement par se laisser toucher par le beau, en allant voir une expo, en contemplant la nature. Mais il y a aussi des méthodes à mettre en œuvre soi-même au quotidien, les quatre accords Toltèque par exemple (que ta parole soit impeccable, ne fais jamais de supposition, ne fais jamais de rien une affaire personnelle et fais toujours de ton mieux)", détaille la chroniqueuse d’Europe 1.

Les livres de développement personnel, qui visent précisément à aider le lecteur à cheminer par lui-même, se font d’ailleurs de plus en plus précis, sérieux, et accessibles. "Une nouvelle génération de livres bien écrits, plus profonds", fait son apparition dans les rayons relatait en mai dernier le Figaro Madame. "Finis les auteurs gourous venus d’on ne sait où. Finies les recettes toutes faites, du genre ‘Voici comment faire, en dix leçons’. Finis les textes écrits à la truelle. Aujourd’hui, ceux qui touchent le lecteur soignent leur plume, et les auteurs possèdent un parcours qui force l’admiration, s’appuyant sur des expériences personnelles et professionnelles", pouvait-on lire dans le magazine, qui citait, entre-autres, l’anthropologue Françoise Héritier, le psychiatre Christophe André ou encore le philosophe Alexandre Jollien.

" Il est important d’être vigilant et de ne pas s’en remettre absolument et entièrement à quelqu’un d’autre "

Yoga, méditation, sophrologie, phytothérapie, hypnothérapie… Le développement personnel renvoie également à toute une série de pratiques, visant à compléter les lacunes des disciplines traditionnellement consacrées au travail sur soi. "Aujourd’hui, on a la possibilité de cloisonner. On peut aller voir un psychanalyste pour parler de son enfance, mais il y a désormais beaucoup d’alternatives pour effectuer un travail sur soi. Il y a de plus en plus de méthodes qui passent par l’alignement corps/âme/esprit, des disciplines nouvelles qui prennent en compte le souffle, le mouvement etc", explique la chroniqueuse d’Europe 1.

Et puis il y a les fameux "coachs". Entre le début des années 2000 et aujourd’hui, près d’une centaine d’écoles ou formations de "coaching" en développement personnel ont été créées, inspirées par les dernières recherches en neuroscience, en "psychologie positive" ou même en méthode de management. Aujourd’hui, ils seraient près de 20.000 coachs professionnels à s’être lancés dans le développement personnel, à plein temps ou à côté d’une autre activité, selon une récente enquête de Society. Ce même "coaching en développement personnel", notamment destiné aux entreprises, gagne aussi sa place à l’université, comme à Paris II, Nanterre, Lyon 3 ou Valenciennes par exemple.

  • Le développement personnel c’est… une communauté

Le développement personnel, c’est aussi une communauté. Sur les réseaux sociaux d’abord : des millions d’internautes se réunissent sur la toile et partagent leurs expériences autour de pages et de comptes spécialisés, de mots clés communs, tels que "slow life" ou "healthy life". Lors de conférences, de salons, également : les adeptes de la quête du dépouillement se croisent et se re-croisent, des amitiés se créent. "Et il n’y a pas que ça. Au fur-et-à mesure, on se rapproche d’une certaine catégorie de gens, qui parlent la même langue, travaillent leur ego, s’adonnent à la communication non violente, des gens soucieux de la qualité du lien, qui ne se contentent pas de demander si ‘ça va’ et se moquent de la réponse", ajoute Anne Cazaubon.

  • Le développement personnel c’est… un risque de dérives

L’univers du développement personnel, enfin, contient en son sein un certains nombres de dérives. Le 19 novembre dernier, par exemple, le magazine Capital, sur M6, dénonçait les pratiques de certains commerciaux, qui tentaient avec insistance de vendre des entrées en séminaires de "coachs" dont les prix oscillaient entre 18.000 et 84.000 euros. "Les promesses et recettes de guérison, de bien-être et de développement personnel sont au cœur des pratiques à risque de dérives sectaires, qu'elles proviennent de groupes organisés à dimension transnationale ou de la multitude de ‘gourous thérapeutiques’ isolés", alerte d’ailleurs la Mivilude (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires). Pas moins de 40% des signalements que cette dernière reçoit concernent les médecines alternatives ou le développement personnel. Un chiffre en hausse ces dernières années.

Gare, donc, à tous ceux qui proposeraient (voire imposeraient) des recettes miracles à prix d’or qui fonctionneraient à tous les coups et chez tout le monde, à tous ces "thérapeutes" qui prétendraient remplacer la médecine traditionnelle et vous détourneraient de votre médecin généraliste (voire de vos proches), ou à tous ceux qui exerceraient sur vous une manipulation mentale tournant à l’addiction. "Il est important d’être vigilant et de ne pas s’en remettre absolument et entièrement à quelqu’un d’autre", abonde Anne Cazaubon. Et de conclure : "C’est à soi d’expérimenter, de découvrir, tout en gardant à l’esprit que certaines méthodes fonctionnent pour les uns et pas pour d’autres".

* Près d’un tiers des Français (31%) lisent, chaque année, au moins un livre étiqueté "développement personnel", selon une étude du Centre nationale du livre, parue en 2017. Ils n’étaient que 17% lors d’une précédente étude publiée en 2014.