Xavier Dolan ou la constante quête d'amour

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En France, l'âge moyen des réalisateurs de premier film est de 38 ans. Xavier Dolan, lui, cumule déjà six longs-métrages à 27 ans. © AFP
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Guillaume Perrodeau
À 27 ans, Xavier Dolan semble toujours courir après un consensus total - critique, public et professionnel - quitte à agacer.

Sept ans après son premier long-métrage, Xavier Dolan revient en salles avec Juste la fin du monde et son casting impressionnant. À 27 ans, c'est déjà le sixième film du Québécois, qui semble plus que jamais sensible aux critiques.

La folie des passions. Festival de Cannes 2016. Xavier Dolan se présente sur scène afin de recevoir le Grand Prix de la compétition officielle pour son dernier filmJuste la fin du monde. Deux ans plus tôt, il était déjà venu récupérer le Prix du Jury pour Mommy. Mais sur scène cette année, touché par les critiques négatives sur Juste la fin du monde, notamment celles venues de la presse américaine, le réalisateur a livré un discours bien différent de celui tenu deux ans auparavant. Xavier Dolan, ému, avait ainsi conclu son allocution par une citation en forme de plaidoyer : "Je tournerai des films toute ma vie, qui seront aimés ou non, mais comme disait Anatole France : 'je préfère la folie des passions à la sagesse de l'indifférence'".


Grand Prix du Jury - Xavier Dolan : "Je préfère...par CinemaCanalPlus

Prétentieux ou mal compris ? C'est ainsi, Xavier Dolan a besoin d'être aimé et reconnu, il ne s'en cache pas. C'est encore lors de ses discours de remerciement, à Cannes, qu'il en donnait la plus parfaite illustration, indiquant notamment : "on fait ce métier pour aimer et être aimé en retour", ou encore "tout ce qu'on fait dans la vie, on le fait pour être aimé, (...) pour être accepté". Le cinéaste marche à la passion, c'est aussi ce qui transparaît dans chacun de ses films. Car derrière l'idée d'être aimé il y a, surtout, son envie d'être compris. Xavier Dolan cherche l'adhésion et lorsqu'il ne l'obtient pas, le fait savoir.

Comme en 2012. Cette année là, son troisième long-métrage est sélectionné au Festival de Cannes, dans la section Un certain regard. Pas de compétition officielle donc : le cinéaste a dû mal à digérer la nouvelle. "On avait rêvé à d'autres choses. C'était important parce que j'aurais été le plus jeune cinéaste de l'Histoire à être en compétition officielle. (...) Moi, j'étais là il y a deux ans et, oui, il y a une impression de stagnation", confiait-il dans une interview à l'AFP. Même agacement en 2015, lorsque Mommy n'est pas sélectionné aux Oscars. "Qu'on ne soit pas aux Golden Globes est une chose, mais qu'on ne fasse pas partie des neuf films étrangers de la shortlist pour les Oscars, c’est… comment dire… spécial. C'est très ostracisant et un peu humiliant", lâchait le réalisateur.

Pour certains, Xavier Dolan est prétentieux, possède un égo surdimensionné. Le cinéaste ne supporterait pas la critique, interprétant des réserves artistiques comme un rejet de sa propre personne. Lui, préfère parler d'"ambition" et estime que son envie débordante lui joue parfois des tours. "Pourquoi l'ambition nous dérange-t-elle autant ? Pourquoi doit-on toujours la confondre avec la prétention ?", déplorait le réalisateur dans une tribune en 2015. Le débat est sans fin. Au milieu de toute cette agitation restent six films, tous sélectionnés en Festival (Cannes et Venise) et dont le dernier sort en salles ce mercredi.

À la télévision dès quatre ans. C'est que le profil du cinéaste, atypique, suscite la curiosité. En France par exemple, l'âge moyen des réalisateurs de premier film est de 38 ans. Xavier Dolan, lui, cumule déjà six longs-métrages à seulement 27 ans. Quand on s'intéresse de plus près à son parcours, on note que le Québécois n'a rien d'un jeune, tant son expérience est déjà beaucoup plus dense que nombre de cinéastes. Xavier Dolan est présent dans le monde audiovisuel depuis tout petit. Dès quatre ans, il tourne déjà dans des publicités, puis enchaînera comme acteur dans de nombreux courts-métrages et téléfilms. Ce n'est qu'à la fin des années 2000 qu'il se tourne vers la réalisation, avec J'ai tué ma mère qui sort en 2009, à partir d'un scénario qu'il a écrit à seize ans.

Rapidement, l'enthousiasme débordant de ses films et sa maîtrise esthétique séduisent la presse, notamment française. Le grand public mettra plus de temps de temps à adhérer complètement. Avant Mommy et ses 1,1 million d'entrées, aucun de ses films n'avaient dépassé les 140.000 entrées dans l'hexagone. Chacun de ses longs-métrages porte sa patte et Xavier Dolan se plaît à questionner des thèmes récurrents : l'amour impossible, la quête d'identité, la cellule familiale. Malgré ces constantes, il tente et se renouvelle. Même lorsqu'il s'offre un casting cinq étoiles comme dans Juste la fin du monde, le Québécois ose.

On attend déjà avec impatience son prochain projet, The Death and Life of John F. Donovan. Le réalisateur a déjà assuré qu'il ne serait pas présenté au Festival de Cannes 2017 car le tournage ne sera pas terminé, étrillant au passage "le propre d'un festival (Cannes, ndlr) caractérisé par la détestation". Une attaque de plus dans son combat contre une partie de la critique. À défaut d'un consensus, Xavier Dolan ne suscite pas l'indifférence ; c'est déjà une bataille de gagnée.