Quand l’Elysée joue aux apprentis pirates

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Antoine Bayet , modifié à
Le PDG de l’agence Galaxie Presse affirme n’avoir "cédé aucun droit" sur son documentaire, "piraté" par l’Elysée.

C’était le 13 juillet dernier, sur les écrans télés : France 5 diffusait un documentaire de la série A visage découvert. Héros du jour ? Le président de la République, Nicolas Sarkozy qui, pendant 52 minutes, répondait aux questions de Christian Malard, le chef du service étranger de France 3, et Bernard Vaillot, producteur de télévision et patron de l’agence Galaxie Presse (voir la bande-annonce de l'émission).

Visiblement séduit par l’émission, le service audiovisuel de la présidence décide de la distribuer à une bonne partie des personnels diplomatiques français en poste à l’étranger, à l’occasion de la 17e conférence des ambassadeurs, début septembre à Paris.

Problème ? Sur la jaquette des 400 DVD distribués lors du raout du corps diplomatique, les services de l’Elysée ont oublié de créditer la société Galaxie Presse, comme le relate Le Canard enchaîné, dans son édition du 7 octobre. L’Elysée y a même apposé un crédit pour le moins surprenant, affirme l'hebdomadaire : "Service audiovisuel de la présidence de la République – Unité photo – Tous droits réservés (photos et vidéo)". En pleine polémique autour de la question des droits d’auteurs, avec le projet de loi Hadopi, l’affaire fait mauvais genre.

"Nous n’avons évidemment cédé aucun droit" sur le documentaire, raconte Bernard Vaillot, interrogé par europe1.fr. Ce dernier, qui affirme avoir assuré "la production déléguée" de l’émission, n’envisage pourtant aucune action juridique. Et pour cause : "J’ai donné une autorisation informelle à Franck Louvrier", le conseiller pour la presse de Nicolas Sarkozy, cet été, affirme-t-il.

Bernard Vaillot évoque même la "promotion" indirecte ainsi réalisée pour son documentaire : "C’était un peu intéressé de ma part. Que toutes les ambassades et que tous les consuls aient leur exemplaire du film, c’est plutôt bon pour nous."

"Juridiquement, il n’y a pas vraiment de quoi fouetter un chat", décrypte l’avocat et blogueur, Maître-Eolas, interrogé par europe1.fr. Certes, "la cession des droits d’auteurs doit se faire avec un écrit, à peine de nullité". Mais aucun risque de voir la présidence condamnée tant que le producteur de l’émission affirme avoir donné son autorisation, précise-t-il.

Les anti-Hadopi,qui ont déjà relayé l’affaire, risquent donc fort d’en être pour leurs frais. Tout au plus pourront-ils s’amuser lors de la publication du budget de l’Elysée par la Cour des comptes, en juillet prochain, à traquer l’achat des logiciels nécessaires au "gravage" du documentaire, tout comme celui des 400 DVD vierges nécessaires à la manœuvre…