Quand Jean d’Ormesson expliquait qu’il n’avait "pas peur de la mort"

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A.D. , modifié à
Douze ans avant sa mort, Isabelle Morizet interrogeait l'écrivain sur sa vie et le temps qui passe. Des questions auxquelles l'Académicien répondait sans détour.
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Jean d'Ormesson s'est éteint dans la nuit de lundi à mardi à l'âge de 92 ans. Au lendemain de la cérémonie d’hommage national qui lui a été consacrée, Europe 1 s’est intéressé à ce que le romancier académicien pétillant disait de la mort douze ans avant qu’elle ne l’emporte, un récit à la saveur désormais particulière.

"La littérature au-dessus de tout". En 2005, Isabelle Morizet retrouvait une déclaration choc de l'écrivain. Au cours d’une interview, il avait dit que si son foyer prenait feu, la première chose qu’il sauverait serait son manuscrit. On lui avait alors rétorqué : "Et votre fille ?". Ce à quoi le romancier avant répondu : "Elle passe après." Sauf que les années passant, déjà, il rectifiait : "Probablement que j’ai changé (…) Je pense que maintenant je sauverais ma fille et ma petite-fille… en même temps que le manuscrit", glissait-il. Il expliquait cette prise de conscience tardive des liens affectifs par le fait d'avoir toujours placé "la littérature au-dessus de tout, sauf peut-être, de l’amour". À l’époque, il ajoutait d’ailleurs "être très, très loin" d’avoir écrit tout ce qu’il ambitionnait d’écrire (Il a depuis écrit une quinzaine d'ouvrage, ndlr). 

Entendu sur europe1 :
Un des rares mérites que je me reconnaisse, c’est d’avoir vieilli sans amertume.

"Il faut être heureux maintenant". Pour autant, Jean d'Ormesson ne courrait pas vers un avenir avec objectifs à cocher et il ne regardait pas en arrière non plus. "J’aime l’instant présent. Les gens veulent toujours être heureux, ils courent après le bonheur. Il ne faut pas courir après le bonheur, il faut être heureux maintenant. Et il ne faut surtout pas se dire 'Comme nous étions heureux quand nous étions jeunes'. Ça, c’est le début du gâtisme. Et c’est précisément ce que je ne fais pas. Je suis très attaché au passé, j’ai écrit tout un livre sur le passé qui s’appelait Au plaisir de Dieu, mais je ne me dis jamais 'Comme on était heureux avant' et je ne me dis pas non plus, comme d’autres, 'Comme ça va être bien après'. Je pense que ce qui est bien, c’est maintenant."

"Ne pas savoir ce qui va se passer". Et l'Académicien de préciser : "Un des rares mérites que je me reconnaisse, c’est d’avoir vieilli sans amertume, sans trop de remords, hélas, ce qui n’est pas très moral, et en m’adressant à l’avenir. La mort ne me fait pas peur. Ce qui m’ennuie, c’est de ne pas savoir ce qui va arriver. J’aurais été désespéré de mourir en 1943, de ne pas savoir comment finirait la Guerre. Supposez que 20 ans après ma mort, on découvre des extraterrestres ! Mais d’ailleurs, je ne crois pas qu’on les découvre. Mais enfin, je regrette de ne pas voir ce qui va se passer."