Philippe Torreton : "Un acteur a sa place autant qu'un autre dans le débat"

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A.D
L'acteur, qui a toujours été engagé, revient sur le devant de la scène avec un livre citoyen qui tire la sonnette d'alarme sur la dégradation du métier d'agent de service public.
INTERVIEW

Il est comédien mais c'est un livre qui l'amène sous les projecteurs. Dans l'ouvrage Nous sommes devenus le mauvais temps, Philippe Torreton se glisse dans la peau d'agents du service public au moment même où des mouvements sociaux surgissent dans les Ehpad, que la police fait part de son malaise et que 120.000 fonctionnaires sont appelés à ne pas être remplacés. Invité dimanche dans l'émission C'est arrivé demain, le comédien a expliqué pourquoi il s'était engagé dans ce projet.

"Un écart entre l'idée de leur mission et la réalité". Au fil de l'écriture, Philippe Torreton s'est mis dans la peau d'un instituteur, d'un policier, d'une infirmière. "On ne devient jamais quelqu'un d'autre mais on peut sincèrement essayer de se mettre à la place de quelqu'un d'autre. Tous ces gens se heurtent à l'idée qu'ils se font de leur mission et à la réalité. Souvent, il y a un choc et de ce choc, de cet écart, vient une perdition et une fragilité psychologique", explique le comédien.

"Prétexte pour le désengagement de l'Etat". Selon lui, le manque de moyens n'est pas la clé de voûte du problème, "mais le déraillement" de la mission des agents. "On ne demande pas à une infirmière de faire du chiffre", elle est là "pour soigner des gens. La recherche d'économies est un prétexte pour désengager l'Etat. Les gens ne sont pas dupes." Au-dessus de toute la problématique, "il y a un spectre qui domine : c'est une gestion ultra-libérale de notre société", précise-t-il.

Entendu sur europe1 :
J'aurais pu me barrer à Los Angeles et avoir ma petite cause pour les enfants malades et tout le monde n'y verrait que du feu mais je ne suis pas fait de ce bois-là

Un livre "citoyen". L'idée de mission de service public est, selon lui, "le ciment de notre République et de notre démocratie. Quand cette mission est dévoyée et que la gestion économique l'emporte sur la gestion humaine, ça crée des écarts et de ces écarts naissent des malaises." Dès lors, le livre se présente presque comme politique ou syndical. Le comédien préfère l'épithète de citoyen. "Je ne suis pas un homme politique ni un leader syndical. Je suis un citoyen qui a les yeux ouverts sur son pays, qui aime son pays et qui, au nom de cet amour, se doit de dire ce qui lui paraît devoir être dit."

"J'aurais pu faire une petite carrière pénard". Rester silencieux n'est pour lui pas imaginable : "C'est en moi. Si j'avais été quelqu'un d'autre, j'aurais pu faire une petite carrière pénard en disant qu'un comédien est fait pour donner du bonheur aux gens. J'aurais pu me barrer à Los Angeles et avoir ma petite cause pour les enfants malades et tout le monde n'y verrait que du feu mais je ne suis pas fait de ce bois-là. Mon origine familiale, mon histoire, n'est pas constituée de ça. J'estime qu'un acteur a sa place autant qu'un autre dans le débat."