Le cinéaste vient de publier une fable contemporaine sur le don d'ubiquité. 1:49
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A.D
Le cinéaste regrette une certaine frilosité du milieu du cinéma actuel. En retrait des salles obscures depuis trois ans, il revient... en librairie avec un nouveau roman.
INTERVIEW

Longtemps, Patrice Leconte a réalisé un film à l'année, "pour partager des émotions", des choses qui lui "trottaient dans la tête". Depuis trois ans, il s'est absenté des écrans et c'est dans les rayons des librairies qu'il refait surface. Il vient de publier chez Arthaud une fable contemporaine, Louis et l’ubiq, un livre dont l'intrigue met en lumière un appareil qui donne le don d’ubiquité. Le romancier et réalisateur était samedi l'invité d'Isabelle Morizet.

Venu tard à la littérature. Encore plus que dans un livre, l’incipit des romans joue un rôle primordial selon lui. "Le lecteur vous accorde un crédit de dix pages, quinze, vingt" au maximum, sous peine de reposer le livre. S'il avait un jour dit qu'il avait plus de respect pour un livre que pour un film, il trouve maintenant que c'est "une ânerie", même s'il apprécie le rapport direct "entre la personne qui écrit et la personne qui lit", sans équipe ni promotion pour faire transition.

Il est pourtant entré tard en littérature et s'en explique : "J’ai passé ma vie à faire des trucs plutôt pas mal, parfois, mais qui m’ont souvent été suggérés. Je n’ai pas la science infuse. Il y a des films que j’ai été très heureux de faire dont je n’ai pas eu l’idée." Pour les livres, c’est le patron d’Albin Michel, Richard Ducouset, qui lui souffle d’écrire. L’idée reste dans un coin de sa tête quelques années, avant d'éclore en 2009 avec Les femmes aux cheveux courts. "De moi-même, je ne me serais jamais levé un matin en disant 'Je commence un roman'", confesse-t-il. 

Deux projets à l'eau faute de financement. Du côté du cinéma, il a pourtant exploré bien des genres. Les Bronzés viennent directement à l'esprit. Mais il y a aussi eu La Fille sur le pont, un film d'auteur en noir et blanc avec Vanessa Paradis et Daniel Auteuil ou Le magasin des suicides. "Les étiquettes m’ennuient". Il défie d'ailleurs quiconque de reconnaître sa signature dans un seul registre. "Je suis du signe du caméléon", s'enorgueillit le cinéaste. Mais depuis trois ans, il avoue aussi "un manque de projets qui se font" et regrette que le monde du cinéma soit devenu "un peu fragile."

Même lui, expérimenté et a priori "bankable", subit les affres du milieu. "Nous n’avons plus aucune certitude pour monter nos films. Il y a eu deux projets auxquels je tenais beaucoup et qui sont tombés à l’eau faute de financement." Parmi ces deux-là figurait un projet avec Josiane Balasko, "un film assez rugueux, sur l’histoire de Josette Berg, qui organisait des lotos, rattrapée par la justice et condamnée à 300.000 euros d’amende avec un procès qui n’a même pas eu lieu, et elle s’est laissée mourir un soir de Noël. Sans doute que Balasko, plus moi-même, on s’attend davantage à quelque chose qui s’apparente à la comédie", décortique-t-il.

Fan de Bollywood. L'analyse lui fait dire que peut-être aujourd'hui, il ne pourrait plus tourner certains titres de sa filmographie. Il se refuse pourtant à faire partie des "vieux cons" du "C'était mieux avant" et, en bon rêveur, admire les films de Bollywood. "Je ne désespère pas de mourir et d’être réincarné en cinéaste à Bollywood." Il aime tout : "l’Inde, les costumes, les chorégraphies, les acteurs, les musiques, les histoires à l’eau de rose. Il y a un film qui est un pur chef-d’œuvre, Devdas. Un jour de petit moral, quand ça ne va pas fort, je me mets quelques séquences et c’est mieux qu’un Mars !"