Le Petit Prince : "Je ne connais pas un enfant qui ne se soit pas emmerdé en le lisant"

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M.Be
Alors que "Le Petit Prince" fête vendredi les 75 ans de sa première sortie mondiale, le livre culte de Saint-Exupéry est loin de faire l'unanimité.

C’est le livre le plus lu et le plus traduit dans le monde après la Bible. Le Petit Prince, du Français Antoine de Saint-Exupéry, est sorti il y a 75 ans jour pour jour pour la première fois aux États-Unis, avant même sa sortie en France. Si les ventes de ce livre ont avoisiné les 175 millions d’exemplaires dans le monde depuis 1943, il est loin de faire consensus parmi ses lecteurs, à commencer par Raphaël Enthoven, philosophe et chroniqueur sur Europe 1.

"Ce livre est fait pour plaire à tout le monde, plus qu'il ne l'est" 

"J’étais grand lecteur quand j’étais jeune et chaque fois que le hasard me reportait vers Le Petit Prince, j’en soupirais d’ennui. J’ai voulu partager ce désarroi avec des adultes, mais dès que je disais le mot 'Petit Prince', avant même d'avoir fini ma phrase, immédiatement j’étais interrompu par des gens émerveillés. C’est ma première expérience d’une parole obligatoire, comme s’il était obligatoire de penser ça du Petit Prince", déplore Raphaël Enthoven.

Pour le philosophe, Le Petit Prince lui "fait l’effet d’être le livre non pas de l’enfance mais de l’idée que certains adultes peuvent se faire de l’enfance, qui les flatte eux-mêmes et flatte l’enfant, car il donne une image des enfants plus flatteuse qu’elle ne l’est". Ainsi, Raphaël Enthoven affirme que le succès du livre se "doit à l’idée que ce livre est fait pour plaire à tout le monde, plus qu’il ne l’est véritablement". "Je ne connais pas un enfant qui ne se soit pas emmerdé en lisant ce livre. J’en connais plein qui ont dit qu’ils se sont amusés pour faire plaisir à leurs parents, mais je n’en connais pas un seul qui n’a pas soupiré d’ennui", en conclut-il.

"L’enfance de Saint-Exupéry est le centre de gravité de son œuvre"

Mais pour Alban Cerisier, éditeur et secrétaire général de Gallimard, Le Petit Prince est avant tout le reflet de la vie de son auteur. "Il ne faut pas voir dans Le Petit Prince un évangile, ni une Bible. Saint-Exupéry est suffisamment trop inquiet du monde pour penser que sa parole a valeur d’évangile. Saint-Exupéry, avec le personnage du Petit Prince, établit une image de sa sensibilité, d’un état d'âme, et non pas d’une enfance rêvée", défend pour sa part l’éditeur.

Saint-Exupéry "a son enfance et c’est le centre de gravité de son œuvre, jusqu’à Pilote de guerre. C’est le pire moment de son engagement militaire et son constat que la France se liquéfie sous ses yeux. Il revient à son enfance et l’image centrale est celle de son frère qui meurt", développe Alban Cerisier, en parlant d’un "livre de transmission".

Pour l’éditeur, l’obsession de Saint-Exupéry, à travers Le Petit Prince, est de faire "une belle histoire, raffinée dans sa narration et enrichie de dessins". "Car c’est difficile pour lui de parler de son intimité. Il trouve ce moyen-là pour donner à comprendre ce qui le tient au monde, et ce qui - dans un monde défiguré - peut nous tenir au monde", fait-il encore valoir, avant de conclure : "André Gide disait 'On écrit pour être relu', donc je conseille de relire Le petit Prince".