L'écrivain Kamel Daoud visé par une fatwa

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avec AFP , modifié à
Un dirigeant salafiste algérien a demandé au gouvernement algérien de condamner et d'exécuter le romancier, auteur de Meursault, contre-enquête.  

"Fatwa pour me tuer émise par le mouvement salafiste algérien. Signé par le Abd El Fettah Hamdache. Voilà où mène le sentiment d'impunité chez ces gens-là." C'est par ce message posté mardi sur sa page Facebook, que Kamel Daoud a informé les internautes de la situation. L'écrivain algérien, auteur du remarqué Meursault, contre-enquête, finaliste au dernier prix Goncourt est en effet menacé de mort après son passage sur France 2.

Quelles menaces ? L'activiste Abdelfatah Hamadache Ziraoui, qui dirige le Front de l'Eveil islamique salafiste, un mouvement qui n'est pas officiellement reconnu en Algérie, a appelé, lui aussi via Facebook, les autorités algériennes à condamner Kamel Daoud à la peine capitale et à l'exécuter en public. Son crime ? Avoir, sur France 2, critiqué le rapport des musulmans avec leur religion. Reçu sur le plateau d'On n'est pas couché, l'auteur a entre autre déclaré face à Laurent Ruquier : "On ne peut pas à la fois critiquer le monde parce qu’il nous rejette alors que nous-mêmes nous rejetons le monde. Ce sont des questions récurrentes dans ma vie quotidienne."

Pour Abdelfatah Hamadache, Kamel Daoud "mène une guerre contre Allah, son prophète, le Coran et les valeurs sacrées de l'islam". Ce fervent militant pour l'interdiction de l'alcool et du maillot de bain sur les plages notamment, le juge coupable d'apostasie, c'est-à-dire d'avoir publiquement renoncé à la religion, un crime passible de la peine de mort aux yeux de la loi coranique.

Le site Tout sur l'Algérie a repris les mots précis postés par l'imam sur sa page Facebook, en arabe : "L'écrivain apostat, mécréant, algérien, "sionisé", criminel insulte Dieu (…). Nous appelons le système algérien à le condamner à mort publiquement", a violemment revendiqué Abdelfatah Hamadache Ziraoui. Quant au Huffington Maghreb, il indique que l'activiste a précisé que "si la charia islamique était appliquée en Algérie, la sanction serait la mort pour apostasie et hérésie" contre Kamel Daoud.

Une vague d'indignation en Algérie. La déclaration d'Abdelfatah Hamadache Ziraoui a soulevé une vague d'indignation sur les réseaux sociaux. Une pétition appelle les ministres algériens de la Justice et de l'Intérieur "à enclencher des poursuites contre ces appels aux meurtres qui nous rappellent les pires moments de l'Algérie face au GIA" (le Groupe Islamique Armé responsable de tueries massives dans la décennie 1990, ndlr). "Nous condamnons avec force les appels au meurtre public de Abdelfetah Hamadache, autoproclamé chef salafiste algérien", souligne le texte. Enfin le mouvement d'opposition Barakat ("Ça suffit!"), créé durant la campagne présidentielle d'avril dernier, a aussi dénoncé un "appel odieux et criminel" et apporté son "soutien indéfectible" au journaliste.

Kamel Daoud a porté plainte. "J'ai déposé plainte auprès du tribunal d'Oran pour menaces de mort", a déclaré Kamel Daoud. L'écrivain a remercié la société civile pour sa solidarité, mais a refusé de faire toute autre déclaration, précisant "préférer éviter tout commentaire et attendre la suite après avoir déposé plainte".