Joann Sfar : "J'ai gardé des entretiens d'Hitchcock et Truffaut qu'il ne faut pas de secret pour son spectateur"

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A.D , modifié à
 Dans son nouveau roman, "Vous connaissez peut-être", Joann Sfarr se livre au-delà de la pudeur. Il raconte sa plongée sous l'influence d'une arnaqueuse sur Facebook.
INTERVIEW

A même pas 45 ans, Joann Sfar totalise plus de 200 titres, comme Le chat du rabbin ou le film Gainsbourg vie héroïque. Sa nouvelle publication, intitulée Vous connaissez peut-être, est un roman et pourtant, il l'explique, rien n'est inventé. En une phrase, dès la première page, le ton est donné : "Cela a commencé avec une photo sur Facebook et ça s'est terminé au commissariat de police. Tout est vrai sinon ce n'est pas drôle".

Entre ce début et cette fin existe ce roman pour raconter l'entière mésaventure de l'auteur, tombé sous la fascination d'une arnaqueuse du web qu'il n'a jamais vu en chair et en os. Invité dans la nouvelle émission Ceci dit de Philippe Vandel, Joann Sfar a raconté cet épisode et ce qui l'a poussé à en faire un roman.

Pas de secret. "Dans une année de vie, on garde un ou deux événements, celui-là, courir après une fille, ne jamais la voir, se trouver dans des soucis pas possibles à cause de ça, c'est existentialiste si on veut mais c'est une enquête. C'est 'en quoi suis-je en train de me fourrer ?'" Sans détours, le romancier se met à nu. "J'ai gardé des entretiens d'Hitchcock et Truffaut qu'il ne faut pas de secret pour son spectateur. Il faut tout lui dire, comme ça, il jouit de tout." Alors Joann Sfarr raconte tout et dès le départ, son lecteur sait que l'histoire finira mal. 

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Ça s'appelle l'idéalisme, la foi, la croyance, peut-être aussi la radicalisation. Arrive un moment où la vie ne suffit pas

Sa vie vrille à cause de Lili, une usurpatrice d'identité qui se faisait passer pour une mannequin israélienne. Joann Sfar la rencontre sur Facebook, ils se contactent par téléphone. Elle se montre drôle mais il ne la rencontre jamais en vrai. "Bien sûr que ça m'éveille des soupçons", clame-t-il mais, hameçonné, il se laisse duper d'autant qu'"elle finit par produire les papiers d'identité de la personne en question".

Puis il passe dans une autre phase. "Il y a quand même un moment où je ne suis plus dans des dispositions amoureuses." Un journaliste de renom prend même contact avec lui, lui disant qu'il a vécu deux ans avec cette femme et ajoutant qu'il doit se montrer gentil avec cette fille fragile. "Elle le faisait chanter", explique-til avant d'ajouter que sur "d'autres choses", il ne possède toujours "pas l'explication aujourd'hui."

"Des gens qu'on va ramasser à la petite cuillère". Comme l'explique son livre, l'histoire prend la forme d'une enquête. Joann Sfar découvre tout un département de police consacré aux escroqueries sur le net. "Il y a des vies gâchées, des gens qu'on va ramasser à la petite cuillère." Lui s'auto-analyse et arrive à cette question : "Pourquoi on s’intéresse davantage à la fille sur Facebook qu'aux filles qu'on rencontre dans la vraie vie ?". C'est cette interrogation qui l'a poussé à tout mettre sur pièces devant le lecteur. "Ça s'appelle l'idéalisme, la foi, la croyance, peut-être aussi la radicalisation. Arrive un moment où la vie ne suffit pas", ose-t-il sans fard.