Japan Expo : le petit monde des fanzines

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CULTURE - La 13e édition du salon se tient ce week-end. Les fanzines y ont une place de choix.

Des étalages de mangas, des posters jusqu'au plafond, des bornes de jeux vidéo, des soubrettes, des super-héros, 120.000 m2 d'exposition, 200.000 visiteurs attendus, la 13e édition de Japan Expo, plus grand salon dédié à la culture japonaise, s'est ouverte jeudi et se tient jusqu'à dimanche au Parc des expositions de Villepinte. Au sein de ce maelström de bruit et de couleurs, un espace plus feutré et moins formaté détonne. Il s'agit de celui dédié aux productions amateurs. Juxtaposés, près de 200 stands, de mode, d'illustrations ou de bande dessinée, sont tenus par des passionnés dont ce n'est pas, pour l'immense majorité, le métier. Un monde (un peu à part) identifié sous le terme de "fanzinat".

Raxxon

© Raxxon

"Fanzine" est la contraction de "fanatic magazine", une publication indépendante, créée par des fans et pour des fans. "C'est une petite communauté, avec beaucoup de gens qui se connaissent, qui se rencontrent en dehors des salons, et qui sont passionnés par les mêmes thèmes", résume Eric, 31 ans, rédacteur à la ville et auteur depuis 2004 d'un fanzine fantastico-médiéval intitulé Raxxon (photo). Les "mêmes thèmes", ici, touchent à la culture manga au sens large. "Les fanzines se développent toujours pour réagir et échanger sur un phénomène nouveau, boudé par les médias traditionnels", explique  Gérald, 34 ans, agent SNCF et responsable de MéluZine, association de soutien aux fanzines.

Dans les années 1960, des fanzines ont été créés autour de la série "Star Trek"  aux Etats-Unis ou de la musique yé-yé en France. A la fin des années 1990-début des années 2000, les enfants de la "Génération Dorothée", biberonnés aux "Dragon Ball Z" ou "Chevaliers du Zodiaque", ont décidé de prendre les crayons pour partager leurs passions : dessin, animation, littérature, jeu de rôles...

Quand "la génération Dorothée" prend les crayons

Cette "génération Dorothée" a également essuyé les plâtres de Japan Expo. Gérald était ainsi de la création du salon, en 1999. "A l'époque, les stands étaient dans une école, c'était un peu à la bonne franquette." Depuis, les choses se sont accélérées, avec l'explosion du phénomène manga dans les années 2000 (et les immenses succès de librairie comme "Naruto"). Internet a joué le rôle de catalyseur. "Aujourd'hui, il y a de plus en plus de jeunes, qui partagent déjà leurs dessins sur des sites comme deviantART (mi-blog artistique, mi-réseau social, deviantART permet de mettre en ligne des dessins et de les commenter)", argumente Eric. "Ce n'était pas facilement le cas quand on a débuté. Ces jeunes ont certainement envie d'évoluer et de se faire remarquer."

Panorama des fanzines présents à l'édition 2011 :

La démocratisation des moyens de production (ordinateurs plus puissants, logiciels de mise en page plus intuitifs, imprimeurs en ligne) a permis au plus grand nombre de se lancer et à la qualité générale d'augmenter. "Il n'y a que nos moyens financiers qui ne sont pas professionnels", explique ainsi Eric. "Mais tout le reste, en termes d'approche, d'organisation de l'équipe, de répartition des tâches, de rétro-planning, est fait professionnellement." Pour tous ces auteurs ou illutrateurs, réunis en association ou à leur compte, Japan Expo est un rendez-vous incontournable. "C'est un événement majeur, 200.000 visiteurs, c'est un peu comme Angoulême au niveau de la BD franco-belge, si on n'y est pas, on n'existe pas", souligne Gérald.

Une visibilité limitée pour les dessinateurs

YumYum Studio

© YumYum Studio

Et pour exister, il faut d'abord payer. En fonction de la taille du stand et de l'emplacement dans le salon, la location varie entre 100 et 600 euros, avec un investissement total compris entre 1.500 et 2.000 euros (avec les impressions des fanzines, des cartes, des badges, etc.). Et, si l'objectif n'est pas de faire de l'argent, il s'agit d'assurer au minimum un retour sur investissement. "On fait ça pour s'amuser mais avec une approche sérieuse", explique Franck, 35 ans, informaticien et illustrateur amateur à titre personnel (YumYum Studio). "On espère d'abord un retour positif des clients mais aussi dans les caisses. L'argent récolté à Japan Expo permet ensuite d'être présent sur d'autres salons." Franck réalise essentiellement du fan-art, c'est-à-dire des dessins ou posters inspirés de succès du manga ou de l'anime japonaise. A l'inverse, d'autres stands présentent des créations 100% personnelles et espèrent se faire remarquer par leur originalité.

Pour autant, "la concurrence est féroce pour se démarquer du lot", souligne Gérald. "Il y a 200 stands, il suffit qu'il y ait deux auteurs par stand, ça fait 400 auteurs ou illustrateurs... Les gens sont assez lucides, s'ils sont là, c'est avant tout pour s'amuser." Même Carole, illustratrice professionnelle et "fanzineuse" sous le pseudo Nephyla, reconnaît une portée limitée à Japan Expo. "Ça reste un moyen de visibilité, mais limité. Il permet de nouer des contacts avec des dessinateurs, voire de petits éditeurs. Mais cela permet surtout de gagner une certaine notoriété à l'égard du public, une visibilité qui se traduit ensuite par un suivi sur Internet." C'est là finalement l'une des spécificités du fanzinat moderne : à l'époque d'Internet, il n'a plus aucune limite.