Intermittents : les clés pour comprendre le conflit

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L’ESSENTIEL – Des festivals perturbés ou annulés, des intermittents en colère, Europe1 fait le point sur ce qu’il faut retenir du conflit. 

En grève depuis une semaine, les intermittents accentuent la pression sur le gouvernement. En cause : la réforme de leur régime d’assurance chômage, qui sera tranchée le 30 juin prochain, et qu’ils rejettent. Les représentants des intermittents réclament au ministre du travail, François Rebsamen, de ne pas signer l’accord du 22 mars, pourtant validé par le patronat et la plupart des syndicats, à l'exception de la CGT. Pour le faire plier, les manifestants perturbent donc de nombreux festivals. Plusieurs spectacles du Printemps des comédiens ont été annulés, le festival Rio Loco a été perturbé, et c’est maintenant le Festival d’Avignon qui est menacé. Afin d’éviter le pire la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, a avancé la date des concertations. Un médiateur a aussi été nommé dans l’espoir de calmer le jeu. Si vous n’avez pas suivi le dossier, Europe1 fait le point.

Qui sont les intermittents ? Il s'agit de tous les artistes, danseurs, acteurs, musiciens, mais aussi les techniciens de cinéma ou du spectacle vivant, de l’audiovisuel, du cinéma ou de la musique. Ce régime concerne tous les gens qui travaillent dans la discontinuité, c'est-à-dire qui accumulent des contrats courts.

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A quoi ont droit les intermittents ? Être intermittent n’est ni un métier, ni même un statut. C’est un régime spécifique, créé en 1936. D’abord pour l’industrie du cinéma qui employait un grand nombre de techniciens et de cadres pour des tournages, sans pouvoir leur garantir un emploi pérenne. Il prévoit une embauche en contrats courts, renouvelables indéfiniment. Ce régime permet une indemnisation à partir de 507 heures de travail sur dix mois pour les techniciens, et sur dix mois et demi pour les artistes, avant d'obtenir une allocation-chômage. Les 507 heures sont selon eux la partie immergée de l’iceberg. Un comédien n’est pas payé quand il apprend son texte. Les 507 heures de travail sont donc celles qui sont visibles. 

 

Combien sont-ils ? Il y a en France, selon un rapport parlementaire, 254.394 personnes salariées qui ont cotisé au régime des intermittents en 2011. Mais sur ces 250.000 personnes, toutes ne sont pas indemnisées, puisqu’il faut justifier des fameuses 507 heures de travail et que ces chiffres intègrent même une personne qui a fait une seule fois de la figuration. En fait, seules 43 % d'entre elles, soit 108.658 personnes, ont bénéficié d'au moins une journée d'indemnisation (58 102 artistes et 50 556 techniciens), sur 3,5 millions de chômeurs.

Où est-ce que ça coince ? La réforme de l’assurance chômage est sur le point d’être signée, mais il y a un nœud : le régime des intermittents. La Cour des comptes a estimé que le déficit de ce régime atteint un peu plus d’un milliard d’euros. Le Medef souhaiterait tout simplement supprimer ce régime spécifique, pour l’aligner sur le régime général. Les intermittents, eux, ne veulent pas que l’on touche à leur régime d’indemnisation. La CGT a fait des propositions pour sauver ce régime, effectivement en très grande difficulté.

Un accord a été conclu entre le patronat et trois syndicats (CFDT, FO et CFTC) le 22 mars et il n’a pas satisfait les intermittents. Ces derniers critiquent essentiellement le calcul sur dix mois au lieu d’un an, héritage de 2003, qui exclut un certain nombre d’artistes du régime spécifique. Ils estiment aussi que le dispositif a été durci : le cumul entre le salaire et les indemnités chômage sera plafonné, les cotisations sociales des intermittents seront augmentées et le délai de carence entre la perception des derniers revenus et le versement des allocations-chômage sera étendu.

Que demandent les manifestants ? C’est le 30 juin que le gouvernement doit signer l’accord sur l’assurance-chômage. Dans ce contexte, la tension monte. Une trentaine d'intermittents entièrement nus ont interpellé Aurélie Filippetti lors de son passage à Guise (Aisne), mardi 10 juin :

Aurélie Filippetti prise à partie par des...par UnionArdennais

Les représentants des intermittents réclament au ministre du travail, François Rebsamen, de ne pas signer l’accord du 22 mars, pourtant signé entre le patronat et la plupart des syndicats, à l'exception de la CGT. Ils réclament que les partenaires sociaux soient de nouveau réunis.

Les propositions avancées. Pour alléger le déficit chronique du régime des intermittents, la CGT propose par exemple de baisser le plafond du cumul revenus d’activité/allocations chômage ou faire d’avantage cotiser les intermittents qui gagnent le plus au profit de ceux qui ont plus de difficultés. Quant à la Cour des Comptes, elle préconise de faire davantage cotiser les employeurs qui ont largement recours aux contrats d’intermittence. Ce n’est pas la première fois que patronat et intermittents croisent le fer. Cela fait même… plus de 15 ans.  

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Les festivals annulés ou perturbés. Pour l'heure, plusieurs festivals ont été annulés, ou fortement perturbés. Plusieurs spectacles ont été annulés lors du Printemps des comédiens, qui se tiendra jusqu'au 29 juin à Montpellier. Même chose au festival Rio Loco, qui se tient à Toulouse. Une grève a fortement perturbé l'événement. Le festival d'Avignon est lui aussi menacé. Les intermittents ont fait entendre leur voix : Si l'État entérine l'accord du 22 mars, ils se réservent la possibilité d'appliquer leur droit de grève dès le 4 juillet, date de l'ouverture du festival, mettent en garde artistes, régisseurs et techniciens.

En 2003, le Festival d'Avignon, celui d’Aix-en-Provence, de La Rochelle et de Rennes avaient été annulés. Pour les mêmes raisons : une réforme qui passe mal car elle rend plus difficile l'accès au régime d'intermittent.

Un rendez-vous déterminant. La semaine qui vient s'annonce cruciale. Lundi, les intermittents appellent à une nouvelle journée d'action nationale, avec un rassemblement prévu à Paris et des grèves.Mercredi, le Conseil national de l'emploi (CNE) doit aussi se réunir pour examiner la convention d'assurance-chômage. A cette occasion, le ministère du Travail répondra aux arguments avancés par la CGT et à la CFE-CGC, opposées à l'accord.

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