Éric-Emmanuel Schmitt : "Je pense que j'étais amoureux de mon grand-père, je l'aimais passionnément"

Eric-Emmanuel Schmitt crédit : Capture d'écran Europe 1 - 1280
Eric-Emmanuel Schmitt raconte comment il a appris la patience de son grand-père © Capture d'écran Europe 1
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Marthe Ronteix
Pour imaginer le personnage de "Monsieur Ibrahim", pièce qu'il jouera à partir du 5 septembre, Éric-Emmanuel Schmitt s'est inspiré de son propre grand-père.

À partir du 5 septembre, Eric-Emmanuel Schmitt sera seul sur la scène du Théâtre Rive Gauche pour 30 représentations de Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, 17 ans après la première parution du récit. L'auteur et comédien est revenu sur le succès de cette pièce dans le Club de l'été d'Europe 1, jeudi.

Un succès international. La pièce raconte l'histoire de Moïse, un jeune garçon juif de 12 ans, qui se lie d'amitié avec le vieil épicier arabe de la rue Bleue, à Paris, dans les années 1960.

Mais les apparences sont trompeuses puisque Monsieur Ibrahim n'est pas arabe, que la rue Bleue n'est pas bleue et que la vie ordinaire ne l'est pas tant que cela…

Ce texte, publié en 2001 en France, a connu un succès international. Il a été traduit dans une cinquantaine de langues et publié dans plus de 50 pays. Il est désormais étudié dans les collèges et les lycées du monde entier. Le film, réalisé par François Dupeyron en 2003, a offert à Omar Sharif un César en France, un Lion d’Or à Venise et même une nomination aux Golden Globes aux États-Unis. "Ça s'est fait sans moi, comme une vie indépendante", répond Éric-Emmanuel Schmitt.

Une histoire pour aller au-delà des apparences. "C'est une histoire qui nous concerne tous puisque c'est aller au-delà des apparences. C'est toujours chercher l'humanité derrière les étiquettes. C'est une vraie histoire tendre entre deux êtres qui se sauvent la vie par le regard qu'ils jettent chacun sur l'autre. Personne ne fait plus attention à Monsieur Ibrahim sauf le petit Momo. Et personne ne fait plus attention à Momo sauf Monsieur Ibrahim. Par ce regard, ils vont se reconstruire tous les deux et ils vont vivre quelque chose de fort."

"J'étais amoureux de mon grand-père". Et pour créer le personnage de l'épicier pas vraiment arabe, Éric-Emmanuel Schmitt s'est inspiré de son propre grand-père, Papère.

"Avec le recul, je pense que j'étais amoureux de mon grand-père. Je l'aimais passionnément. Il est mort quand j'avais onze ans", confie l'écrivain. "C'était un sage, il n'en avait pas l'apparence mais il était sage parce que c'était un homme intelligent. C'était un homme dont la parole était pesée comme le silence. Tout avait un sens. J'étais son unique petit-fils et j'en profitais bien."

Une leçon de vie. Parmi ses souvenirs, Éric-Emmanuel Schmitt en chérit un tout particulièrement, celui de la poussière d'or. "Il m'a appris la patience. Tous les soirs, il enlevait son tablier et versait la poussière d'or dans une pipette en verre. Et moi, je me moquais de lui en lui disant qu'il n'y avait rien. Et il me répondait : 'Tu verras, tu verras'. Et effectivement, quand il est mort, ma grand-mère s'est retrouvée veuve avec une toute petite pension. Et la poussière d'or de toute une vie a permis de couler sept lingots. Donc elle a vécu de la poussière d'or de mon grand-père jusqu'à la fin de sa vie."