Dans la discothèque de... Raphaël Enthoven

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A.D , modifié à
Chaque dimanche, une voix d'Europe 1 fait entrer les auditeurs dans sa discothèque et explique ses coups de cœur.

Journaliste philosophe ou philosophe journaliste, Raphaël Enthoven délivre sa "Morale de l'info" en semaine dans la matinale d'Europe 1. Il présente aussi tous les samedis l'émission Qui vive, de 15h à 16h. Cette fois, il a prêté sa voix à l'antenne pour délivrer ses titres phares dans l'émission Europe 1 Music Club

  • Les Gymnopédies d'Erik Satie (1888. Le compositeur avait alors 22 ans)

Le philosophe aime particulièrement la première gymnopédie. "Je suis amoureux de ce morceau. Les neuf notes qui reviennent comme une litanie sont la meilleure version que je connaisse de la petite phrase musicale qui enchante le narrateur et que l'on ne connaît pas dans A la recherche du temps perdu. Ce sont des notes qui sont tellement précises, tellement singulières qu'elles en deviennent accueillantes. Elles accueillent la totalité des émotions qu'on éprouve. Vous êtes triste ? Vous écoutez ça, c'est parfait. Vous êtes heureux ? Vous écoutez ça, c'est un écrin merveilleux. Quelle que soit la nature de l'affect que vous éprouvez, ce morceau est adéquat. Pas parce que c'est un ectoplasme et qu'il prend la forme de l'émotion qui convient, non, c'est par abus de précision, par excès de singularité.

C'est un miracle ce morceau, ce qui explique son immense popularité, qui ne le gâche pas. C'est plus qu'actuel, c'est tout à fait éternel. Le morceau demeure dans toute sa fraîcheur, sa pureté. On ne l'abîme pas quand on s'en sert (le morceau a d'ailleurs été beaucoup utilisé au cinéma). C'est compliqué à interpréter parce que c'est très simple. Il est difficile de faire simple. Il faut avoir le doigté de grands pianistes qui savent que l'enjeu n'est pas d'éviter la fausse note mais de trouver la note juste, ce qui n'est pas le même travail."

  • Another one bites the dust de Queen (1980)

"C'est une chanson géniale. On peut la traduire en français, ça fonctionne aussi. Je suis sensible à cette chanson parce que quand vous passez les concours quand vous êtes étudiant, si vous n'avez pas une perception héroïque de vous-même, vous n'avez aucune chance. Vous avez besoin de vivre chaque épreuve, examen, concours, comme un match de boxe et pour ça, il y a des bandes son. Pour moi, c'était la B.O de l’Hypokhâgne. Avant les concours blancs, écouter ça, c'est un peu ridicule. C'est un peu dérisoire, on est un peu dans la position du type qui danse devant son miroir, mais peu importe !"

  • Lætitia de Serge Gainsbourg (1968)

"C'est une chanson parfaite. Gainsbourg fait de la mélodie avec le bruit des lettres. Il va en-deça du sens. Lætitia est un prénom magnifique qui veut dire 'la joie' et qui est beaucoup plus intéressant que Félix qui veut dire simplement 'le bonheur'. Là on est dans la joie et dans l'acceptation de la douleur. C'est d'ailleurs une chanson sur la douleur d'un homme qui perd la raison quand il pense à Lætitia. L'histoire d'amour est toute entière contenue dans la façon dont il dit ce prénom 'l-a-e dans l'a-t-i-t-i-a'. Cela donne l'impression que le reste n'est que la décoration du délice qu'il a à prononcer ce prénom".