C'est quoi la méthode Ken Follett ?

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INTERVIEW E1 - Europe 1 est allé à la rencontre de l'auteur gallois de Siècle, pour en savoir plus sur ses secrets d'écriture. 

Très aimable et détendu lorsqu'il nous a reçu, l'auteur de la série Siècle, Ken Follett, a de quoi se réjouir. Ses deux livres,  La Chute des géants et L'Hiver du monde sont des best-sellers. Parus respectivement en 2010 et 2012, les premiers tomes de la grande saga historique Le Siècle se sont écoulés à 12,5 millions d'exemplaires dans le monde, dont 2 millions en France. Devant un tel succès, nous avons voulu connaître sa méthode de travail.

Lorsque vous commencez un roman, avez-vous en tête tout le déroulement de l'intrigue ?

"Oui, je fais un plan. Et c'est très important pour moi. Il me faut peut-être six mois, parfois un an pour élaborer ce plan avant d'attaquer l'écriture. Le plan détermine ce qui se passe dans chaque chapitre et qui sont les personnages. Il compte environ 25.000 mots, donc c'est comme un petit roman."

De qui vous inspirez-vous pour dessiner le profil de chacun de vos nombreux personnages ?

"Parfois, je prends en photo des peintures ou des cartes postales des visages qui me frappent, des visages souvent très expressifs. Je les placarde chez moi, dans mon bureau. Ils représentent des personnages fictifs dans mes romans les plus importants. Parfois, ce sont des gens célèbres et d'autres fois, de parfaits inconnus."

Est-ce qu'il vous arrive de réaliser des enquêtes de terrain pour nourrir vos œuvres ?

"Oui. Pour mon roman Apocalypse sur commande, il y avait un personnage fictif qui était une femme, agent du FBI. J'ai donc contacté mon agent aux Etats-Unis, et je lui ai demandé de me trouver un agent du FBI, en précisant : si possible à San Francisco et si possible une femme.  Il a trouvé et je suis allé à sa rencontre pour l'interviewer. C'était passionnant. Elle m'a donné des détails sur la manière dont elle portait son pistolet. Elle m'a aussi expliqué son parcours dans un milieu très masculin et m'a parlé très franchement des problèmes qu'elle avait rencontrés. Donc quand c'est possible, c'est formidable. Pour un roman qui se passe au Moyen-Âge évidemment, c'est plus compliqué…"

Travaillez-vous avec des historiens pour élaborer vos romans, qui sont aussi des sagas historiques ?

"Oui, après avoir fini le premier jet, je le montre aux historiens. Je les paye même, pour relire mes livres, car je leur demande de fournir un travail très sérieux. Ils doivent faire un rapport détaillé des erreurs qu'ils remarquent, ou bien même des choses qui les frappent comme pas typiquement médiévales par exemple. Et puis, nous discutons, pour apporter la meilleure correction au livre, tout en gardant l'idée."

Avez-vous un exemple ?

"Oui, mais c'est à mon avantage. Pour Les piliers de la terre, une historienne canadienne, spécialiste du rôle des femmes au Moyen-Âge, a pointé du doigt une erreur : 'vous dites que les gens pauvres du Moyen-Âge portent leurs vêtements y compris au lit', m'a-t-elle fait remarquer, ajoutant : "Evidemment, ils dormaient nus". Après une longue discussion avec elle, je lui ai dit que l'action se déroulait durant l'hiver, en Angleterre. Il faisait donc très froid. Leurs maisons étaient faites de bois. Et même : ils n'avaient pas de lits ! Ces gens pauvres se couchaient sur le plancher. Après des recherches, elle m'a accordé que j'avais raison. Les gens portaient leurs vêtements la nuit, car ils se couchaient à même le sol. Cette anecdote est exceptionnelle. En général, c'est moi qui ai tort !"

A quoi attachez-vous le plus d'importance lorsque vous écrivez un roman ?

"Le plus important, c'est que le lecteur partage les émotions des personnages fictifs. Quand le personnage est triste, le lecteur est triste. Quand le personnage s'inquiète, c'est le cas aussi du lecteur. C'est ainsi que je créé du suspense."

C'est quoi votre journée type ?

"J'aime beaucoup me lever de bonne heure, peut-être à 7h. Au moment où je me lève, j'ai dans la tête la scène que je vais écrire dans la journée. Et j'aime beaucoup commencer sans attendre. Je travaille toute la journée, en faisant seulement de courtes pauses pour les repas. A 17h, je commence à fatiguer. Il me manque de l'énergie et des idées. Alors, je passe des coups de fil et je tweete. Et à 18h, je prends une coupe de champagne !"