Au cinéma, "le vampire est devenu sympathique"

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INTERVIEW - De Tarantino à Coppola, le vampire fascine les cinéastes. Matei Cazacu, spécialiste du sujet, retrace l’histoire de ce sulfureux personnage. 

Le vampire est un personnage récurrent du grand et petit écran. Cette semaine encore, le film de Jim Jarmusch, Only lovers left alive, incarne l'histoire de ces monstres intrigants. Une figure de fiction également à l’honneur de l’exposition “Nuit”, organisée par le Muséum d’histoires naturelles à Paris.  Pour tout savoir sur le vampire, Matei Cazacu, qui a consacré plusieurs ouvrages au vampire, retrace son histoire et explique sa présence récurrente au cinéma.

D’où viennent les vampires ? 

Matei Cazacu : Le vampire est une représentation de la vie après la mort et apporte une réponse comme une autre aux inquiétudes des croyants. Pour rassurer leurs angoisses, l’Église a fourni d’autres réponses en inventant le paradis, l’enfer, puis le purgatoire. Mais l’Église orthodoxe, qui rejette l‘autorité de Rome en 1054, n’a jamais reconnu le concept du purgatoire. C’est l’une des raisons pour laquelle la croyance envers les vampires s’est fortement développée en Europe de l’Est, où l’orthodoxie est très présente. Dans ces pays, et notamment en Roumanie, il y a récemment eu des cas de vampirisme. Des membres d’une même famille ont déterré l’un de leurs ancêtres et lui ont mangé le cœur, parce qu'ils affirmaient que ce dernier les hantait.

Les vampires existaient donc avant le livre de Bram Stoker de 1897 ? 

M.C. : En réalité, des figures proches du vampire existaient déjà à l’époque gréco-romaine. Dans certains livres, on rencontre des personnages morts, qui refont leur apparition dans le monde des vivants sous forme de loups. Cela dit, les vampires apparaissent principalement au moment où les Hommes commencent à enterrer leurs morts. Il s’agit d’un aller simple : le défunt ne doit jamais revenir. Mais il peut arriver que quelque chose se passe mal lors du rite funéraire. Et dans ce cas, certaines croyances veulent que le mort puisse revenir pour obtenir réparation. D’ailleurs, à l’origine, le terme vampire est un mot slave qui signifie “fantôme” et renvoie à un être immatériel. Il désigne l’âme d’un mort, qui revient sur terre pour qu’on remédie à son mécontentement. 

Pourquoi le vampire a-t-il connu un tel succès ?

M.C. : Le vampire que l’on connaît, ce suceur de sang aux longues dents, est une construction littéraire du XIX siècle, grâce au livre de Bram Stoker, Dracula. Il a transformé le vampire en aristocrate. C’est cette représentation, beaucoup plus intrigante que les précédentes, qui s’est imposée. 

C’est d’ailleurs dans cette version que le soleil devient mortel pour le vampire. Ce qui a nourri les fantasmes et l'imagination, car chez les aristocrates certaines maladies liées à la consanguinité empêchaient les personnes atteintes de s’exposer au soleil. Grâce au livre de Bram Stoker, le vampire a donc connu un énorme succès au théâtre ainsi que sur grand et petit écran.

La bande-annonce du film Dracula de Francis Ford Coppola : 

Le vampire est à la fois présent dans le cinéma d’auteur, comme dans des sagas très populaires comme Twilight. Est-il devenu un personnage consensuel ? 

M.C. : Le vampire s’est démocratisé dans les années 1970, grâce au livre d’Anne Rice, Entretiens avec un vampire, qui a contribué à le rendre très populaire. Il le présentait comme un personnage amoureux et très humain : en clair, comme monsieur tout le monde. Ce livre a suscité un très fort engouement, avec un important réseau de fan-clubs. Avec cet ouvrage, le vampire a cessé d’être un personnage aristocratique méprisant, pour être perçu comme quelqu’un de sympathique, qui ne fait plus peur. Le vampire est devenu gentil, plus consensuel, et a cessé d’être considéré comme un monstre terrifiant. 

L’exposition “Nuit”, du Muséum d’histoire naturelle, du 12 février au 3 novembre 2014, en partenariat avec Europe 1.