Chevalgate : la victoire des lobbies industriels ?

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Alexis Toulon, Sébastien Krebs et Isabelle Ory , modifié à
ENQUETE E1 - La France voulait rendre obligatoire l’étiquetage des viandes dans les plats surgelés. Mais à Bruxelles, les lobbies agroalimentaires veillaient au grain.

La crise de la viande de cheval a ébranlé l’industrie agroalimentaire, mais elle a vite repris le contrôle. La France aura beau voter lundi la loi de consommation, qui rend obligatoire la mention de l’origine des viandes, c’est dans les couloirs de Bruxelles que se joue l’avenir de l’étiquetage. Face à la menace de voir l’Europe suivre l’initiative française, les lobbies ont pesé de tout leur poids pour faire avorter le projet français. Pourtant, "plus de 90% des consommateurs européens souhaitent un étiquetage d'origine", assure Monique Goyens, directrice du BEUC, l'association européenne des consommateurs, au micro d'Europe 1.

L’étiquetage coûte cher. Les industriels l’assurent : en les forçant à mentionner l’origine de la viande sur les étiquettes, le prix des plats cuisinés va flamber et ils le font savoir dans les couloirs de Bruxelles et Strasbourg. "Des représentants d’industriels prennent contact avec tel ou tel député à Bruxelles et évoque la hausse des prix de cette mesure pour le consommateur" , explique au micro d’Europe 1 Gilles Pargneaux, député européen socialiste. Et à quelques mois des élections européennes, ce type d’argument pèse lourd. Surtout que plus d'une vingtaine de lobbyistes oeuvre pour défendre les intérêts des industries agroalimentaires, contre deux pour la défense des consommateurs.

Une hausse très modérée. Certaines marques en France ont pourtant décidé de prendre de l’avance sur le vote de la loi et affichent déjà des viandes 100% Françaises dans leurs plats cuisinés. Or, les prix n’ont pas vraiment augmenté. "Sur des lasagnes surgelées, qui coûtent entre 2,2 et 2,3 euros, l’augmentation est d’environ 1,5 centime d’euro", assure au micro d’Europe 1 Olivier Andro, chargé de mission alimentaire à l'UFC-Que Choisir. En France, les marques qui ont choisi d’utiliser que de la viande française estiment avoir pris à leur charge une hausse de 10% du prix des produits.

Conserver de la souplesse au détriment de la traçabilité. Les industriels jouent leur meilleure carte à Bruxelles : si l’Europe ne vote pas une directive pour rendre l’étiquetage obligatoire, la loi française ne pourra pas leur être imposée. L’objectif des industriels est de garder une plus grande souplesse dans l’achat des viandes qui composent leurs plats cuisinés. Sans traçabilité, ils peuvent changer au dernier moment de fournisseur en fonction du prix de vente ou des arrivages. L’étiquetage les lierait à leurs revendeurs, ou les obligerait à imprimer de nouvelles étiquettes pour chaque plat, ce qui serait techniquement complexe et coûteux.

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