Niels Arestrup, un méchant "souple comme un tigre"

L’intensité, elle est jouée par les acteurs, et avec ma caméra, j’ai essayé de renforcer leur performance (le réalisateur Frédéric Schœndœrffer).
L’intensité, elle est jouée par les acteurs, et avec ma caméra, j’ai essayé de renforcer leur performance (le réalisateur Frédéric Schœndœrffer).
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INTERVIEW – Frédéric Schœndœrffer filme un duel intense entre un truand, Niels Arestrup, et un commissaire, Gérard Lanvin dans 96h, sur les écrans mercredi. 

Quand on lui demande comment il s’y est pris pour diriger Niels Arestrup, Frédéric Schoendoerffer vous reprend : "Comment on dirige un grand acteur vous voulez-dire ?" Oui, c’est ce qu’on voulait dire. Parce que dans 96h, comme dans le formidable film de Jacques Audiard, Un prophète, sorti en 2008, Niels Arestrup campe un méchant idéal. Complètement imprévisible. Un faux calme dont les tapes dans le dos et les sourires vous glacent le sang. Et on craint le pire lorsque, dans 96h, ce dangereux truand, du nom de Viktor Cancel, séquestre Gabriel Carré, un grand flic, le patron de la Brigade de répression du banditisme, interprété avec brio par Gérard Lanvin.

96H - BANDE ANNONCE OFFICIELLEpar ARPSELECTION

Le PITCH. Pendant 96h, le temps d’une "garde à vue inversée", Viktor Cancel va tenter d’extorquer à Carré une information cruciale : qui l’a balancé. Ce thriller haletant, qui sort mercredi sur les écrans, est tout entier construit autour de ce face-à-face. Comment Frédéric Schoendoerffer et Niels Arestrup  ont construit ensemble ce truand charismatique ? Europe 1 a posé la question à Frédéric Schoendoerffer, qui est aussi l'un des réalisateurs de la série télévisée Braquo.

Comment avez-vous dirigé Niels Arestrup ? "Un grand metteur en scène américain, dont j’ai oublié le nom, disait que 80% de la direction d’acteur, c’était le choix de l’acteur. Les 20% qui restent consistent à instaurer un climat de confiance, à beaucoup préparer le film en amont, avec des lectures du scénario, à tenir compte de l’avis de l’acteur et le mettre dans une situation où il va pouvoir faire une performance en sachant, parce qu’il a confiance en vous, que vous allez le préserver, que si jamais il trébuche, vous serez là pour le relever. La direction d’acteur c’est une forme de compagnonnage."

Vous avez beaucoup analysé le rôle avant le tournage ? "Avec Niels Arestrup et Gérard Lanvin, on a travaillé pendant près de trois mois, au moins deux à trois fois par semaine. On se voyait, on lisait le scénario, on faisait des remarques sur les personnages, sur certaines situations, en se demandant comment améliorer tout ça. C’est un gros travail de préparation. Et j’essaye d’arriver très préparé au moment du tournage parce que, dans la fabrication d’un film, c’est le tournage qui coûte le plus cher. Chaque seconde coûte une fortune donc je préfère avoir beaucoup déblayé le terrain avant." 

Niels Arestrup a d’ailleurs changé d’avis pour les costumes… ?

Niels Arestrup, ce méchant "souple comme un tigre"par Europe1fr

"Oui, il a changé d’avis à la dernière minute. On était partis en se disant que le personnage de Cancel sort de prison. Et l’une des premières choses qu’il va faire une fois qu’il est libre, c’est de mettre de beaux vêtements. Parce qu’il en a marre d’être vêtu comme on est vêtu en prison. On est donc partis dans cette direction, qu’on trouvait intéressante. Et c’est là où Niels est un grand acteur, à la fois très consciencieux et très intuitif : il a fait une grande réflexion sur son personnage et une semaine avant le tournage il est venu me voir et il m’a dit "Tu sais, peut être qu’il faut abandonner cette histoire de beaux costumes parce que je pense que le type n’en a plus rien à foutre. En fait, le seul problème de ce type, c’est de savoir qui l’a balancé. Les vêtements il s’en fout. Donc je vais venir avec mes propres vêtements et tu verras, ça marchera très bien. " Et moi je dois dire que quand un acteur fait ce genre de réflexion sur son personnage, et qu’en plus on est frappé par la justesse de son raisonnement, on dit banco."

A votre avis, qu’est-ce qui fait de Niels Arestrup un méchant aussi magnétique ? "D’abord, son jeu est très juste. L’une des grandes qualités de l’interprétation de Niels, c’est la part d’humanité qu’il garde quand il entre dans la peau de son personnage, quelque soit celui qu’il joue. Là en l’occurrence il incarne un très gros voyou, très dangereux, mais il a su garder sa part d’humanité. C’est quelque chose dont on avait parlé, c’était très important à ses yeux. Il pense, à juste titre d’ailleurs, que personne n’est jamais tout noir ou tout blanc."

"Un autre élément qui rend sa performance si magnétique, c’est que Niels, dans ce film comme dans la plupart, se déplace comme un tigre. Il avance souplement, et on ne sait jamais ce qui va se passer. On ne sait pas si tout à coup il va sortir son pistolet et tirer sur quelqu’un ou serrer son petit-fils sur son cœur. Ce côté extrêmement souple et dangereux fait que l’on est scotché."

Pourquoi cette référence, comme un leitmotiv, à la "Persistance de la mémoire", "Les Montres molles" de Dalí ? "C’était un des éléments du scénario qui me plaisait beaucoup. Parce que ce film est aussi un film sur le temps qui passe et le temps qui reste, et que les deux personnages incarnés par Gérard Lanvin et Niels Arestrup sont des hommes qui sont à un moment donné de leur vie où ce qu’il y a devant eux est plus court que ce qu’il y a derrière eux. C’est ça qui m’intéressait. (…) C’est aussi pour ça que j’ai choisi des acteurs qui ont cette maturité et cet âge là parce que ça me permettait de faire un duel plus intense et plus tragique. Justement parce que le temps leur est compté."

Comment avez-vous filmé l’intensité du duel ? "L’intensité, elle est jouée par les acteurs, et avec ma caméra, j’ai essayé de renforcer leur performance, de coller au plus près de leur jeu, d’être au bon endroit pour magnifier ce que les deux acteurs faisaient. Et tous ces gros plans, c’est aussi parce que si je fais une analogie avec certains grands westerns avec des duels, moi mes grands espaces, c’étaient les acteurs. J’ai approché ma caméra au plus près d’eux pour approcher l’âme des personnages."

Le film 96h, de Frédéric Schoendoerffer, avec Niels Arestrup, Gérard Lanvin,Sylvie Testud et Laura Smet est à découvrir dès le 23 avril. Un film Europe 1.

 

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