11.6, chronique d’un fait divers

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L’affaire Toni Musulin portée à l’écran par Philippe Godeau sonde la personnalité de l’homme, sans héroïsme. 

Toni Musulin (François Cluzet) est du genre taiseux. De lui, on perçoit seulement ce qu’il veut bien laisser transparaître. Toujours ponctuel, consciencieux, il aime les belles voitures, mais pas pour la frime, seulement pour qu’on lui dise "Monsieur". Et il a l’instinct protecteur : on le voit défendre rageusement Nono (Bouli Lanners), son coéquipier un peu simple quand celui-ci souffre les moqueries des collègues.

Après Le dernier pour la route (2009), Philippe Godeau retrouve son acteur fétiche, François Cluzet. Le personnage qu’il incarne dans 11.6 est aussi mystérieux que le vrai Toni Musulin, ce convoyeur de fonds tranquille, sans antécédents judiciaires, condamné à 5 ans d’emprisonnement en 2010 pour le vol de 11,6 millions. Une affaire surnommée 'le casse du siècle', à cause de la somme dérobée mais aussi pour la méthode employée : un vol sans mort et sans violence. Toni Musulin a seulement appuyé sur l’accélérateur et s’est enfui avec les liasses de billets de banque.

Découvrez la bande-annonce de 11.6 :

Un héros très discret

Dans 11.6, Philippe Godeau s’intéresse à la personnalité énigmatique de Toni. Comment l’employé taciturne en vient-il à passer à l’acte ? Si le vrai Toni Musulin a soulevé une vague d’enthousiasme au moment de l’affaire, le réalisateur prend le parti de montrer au contraire l’antihéros. Le film suit le personnage dans son quotidien, en évitant tout héroïsme. Philippe Godeau fait de Toni un homme ordinaire, un peu égoïste, parfois antipathique, souvent ingrat. Le film se calque sur l’atmosphère d’ennui, prend le rythme de sa routine, entre un travail sans passion et une vie privée insatisfaisante avec sa compagne Marion (Corinne Masiero, particulièrement convaincante).

A ceux qui espéraient voir une scène de casse spectaculaire, il n’en n’est rien. Le vol advient dans le dernier tiers du film et le réalisateur ne s’attarde pas sur l’événement. C’est le parcours de l’homme, le contraste entre la monotonie de sa vie et l’acte finalement assez osé qu’il entreprend qui l’intrigue. Une quête de réalisme qui rend le film, à l’image de l’homme, assez lent et taiseux, sans outrage, ni excès. Le trio principal composé par Cluzet, Lanners et Masiero est, lui,  parfaitement à la hauteur.

La réponse de l’humilié 

Qui est donc Toni Musulin ? Le personnage nous souffle lui-même la réponse : « Je suis un homme de première classe qui voyage en seconde. » Le casse est la réponse de l’humilié : tous les jours depuis dix ans Toni risque sa vie, pour 1700 euros par mois et pour s’entendre parler comme à un chien par son patron. Le film est l’histoire d’une vengeance, lentement mûrie à force de petites frustrations, comme autant de violences.

Dans cet extrait, on perçoit le travail de François Cluzet pour faire de son personnage un homme secret ; le mystère qui entoure sa personnalité devient le sujet du film.

A la fin, le mystère n’est cependant pas entièrement dissipé : Toni n’est pas allé au bout de son geste. L’argent est retrouvé mais 2,5 millions d’euros ont disparu.

Découvrez l’interview de François Cluzet qui s’exprime au micro de Nikos Aliagas, sur l’argent manquant au butin. 

11.6, de Philippe Godeau, avec François Cluzet, Bouli Lanners et Corinne Masiero. En salles le 3 avril. Un film Europe1.