Rugby et arbitrage vidéo : la mise au point

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Julien Froment , modifié à
RUGBY - L’utilisation de l’arbitrage vidéo dans le Top 14, étendue cette saison, cause quelques polémiques.

Le contexte. Déjà en place l’an passé dans le Top 14, la vidéo permettait aux arbitres de valider ou non un essai jugé litigieux. Essai, pas essai, cette fameuse ritournelle qui suivait le traditionnel signe en forme de carré - symbolisant l’écran de contrôle - de l’homme en noir est entrée dans les habitudes des aficionados du ballon ovale. La vidéo marchait tellement bien dans son format actuel que l’IRB, l’International rugby board, a même décidé d’étendre le protocole d’utilisation. A présent, un arbitre peut demander la vidéo pour une suspicion de jeu déloyal ou une infraction sur l’action d’essai. Alors que l’ancienne règle se cantonnait à savoir si le ballon avait touché la ligne ou non, le protocole mise à jour peut revenir jusqu’à 1 minutes 30 en arrière.

Mais après deux journées de Top 14, force est de constater que la nouvelle règlementation a mis une certaine pagaille sur les terrains de l’Hexagone. Cinq appels à la vidéo pour quatre essais refusés lors de Montpellier - Biarritz, des arrêts de jeu interminables lors du match Stade Français – Perpignan qui ont poussé le diffuseur, Canal +, à demander que les matches débutent 5 minutes plus tôt, etc.  Les exemples sont légion. Rien qu’en deux journées, les arbitres ont demandé 28 fois l’usage de la vidéo, soit une moyenne de 4 appels par match. De quoi exaspérer les plus vaillants supporters qui, pour leur plus grand malheur, n’ont même pas le retour de l’action litigieuse sur les écrans géants. Certains préfèrent rire de cette situation.

La vidéo à tout bout de champ. "Trop de vidéo tue la vidéo, il ne faudrait pas que ça se termine par Vidéogag", peste de son côté Eric Blanc, ancien joueur du Racing, joint pour Europe 1. "Mais c’est toujours pareil : pas de vidéo, il y avait des injustices ; trop de vidéo, on remonte trop loin et ça pose problème en termes de rythme." Cette utilisation remet surtout en cause le rôle de l’arbitre, qui devient prisonnier de la technologie : "cela les déresponsabilise", estime Eric Blanc.

De son côté, la Direction technique nationale de l’arbitrage a pris le temps, lors du stage d’avant-saison à Font-Romeu, de débriefer ces deux premières journées-test. Pour Didier Mené, le président de la Commission centrale des arbitres, le constat est sans équivoque. "Dans un certain nombre de cas, ils auraient dû éviter de faire appel à la vidéo", concède-t-il au micro d’Europe 1, "car ils avaient avec les juges de touche tous les éléments pour juger des situations d’essai."

La peur de se tromper. La raison de cette utilisation à outrance ? Pour Didier Mené, "ils ont tout simplement peur. Peur qu’on leur reproche de ne pas utiliser l’outil qui est à disposition." Un outil qui se révèle être indispensable à l’heure où le rugby va vite, trop vite. Même pour les yeux aiguisés des hommes en noir.

De là à ce que la vidéo soit devenue un fardeau pour les arbitres français, Didier Mené préfère nuancer : "Les arbitres sont en porte-à-faux. Soit ils utilisent la totalité des outils mis à disposition  quitte à exaspérer les joueurs et le public, soit ils continuent à exercer leurs responsabilités tout en utilisant la vidéo avec parcimonie et ils prennent le risque de faire des erreurs."

Quelles solutions ? Face à ce dilemme cornélien,  Didier Mené invite les arbitres du Top 14 à "prendre leur responsabilité, même s’ils doivent se tromper", car "l’erreur est humaine". Concernant les spectateurs présents dans le stade, La Direction technique nationale des arbitres souhaiterait que les actions litigieuses soient visibles sur les écrans géants des stades équipés. Une demande devrait être faite en ce sens le 2 septembre prochain, lors de la réunion avec l’IRB. "Que les arbitres ne deviennent pas des Mac, à force d’appeler la technologie, bientôt les arbitres disparaîtront" conclut toutefois, un brin provocateur Eric Blanc. Il n’est pas encore question de remplacer les arbitres par des robots, mais l’usage de la vidéo a bel et bien besoin d’une mise au point.