Foot et dopage : silence, on joue !

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Le dernier ouvrage de Jean-Pierre de Mondenard, Dopage dans le football, met les pieds dans le plat.

Zéro faute. Paradoxalement, l'un des passages les plus efficaces de l'ouvrage de Jean-Pierre de Mondenard, Dopage dans le football, repose sur une absence : celle de contrôle positif lors des 512 tests effectués sur les joueurs internationaux entre le 10 avril et le 11 juillet 2010, période de préparation ou de matches de Coupe du monde. Tout aussi incroyable : sur les 2.854 contrôles effectués par la FIFA durant les compétitions depuis 1966, seulement trois se sont révélés positifs, soit 0,11%. "La règle du jeu perdure depuis quarante-cinq ans et peut être résumée ainsi : les sportifs consomment des substances que les laboratoires ne trouvent pas, les laboratoires d'analyses cherchent des molécules que les sportifs ne prennent pas !" Et l'auteur de récapituler sur six pleines pages les produits dopants actuellement indécelables...

La duperie de Berne. Une étude récente montre que les champions du monde allemands de 1954, dont huit avaient été atteints par la jaunisse après l'épreuve, avaient bénéficié d'injections de Pervitin, une méthamphétamine, lors de la finale face à la Hongrie (3-2). Mais, dans un tableau compilant la carrière de tous les acteurs de cette finale, l'auteur montre que les membres de l'équipe hongroise sont, en moyenne, décédés bien plus tôt que leurs homologues allemands. "Soit le onze magyar était beaucoup plus "chargé" que son homologue allemand, ou alors le football de haut niveau impose des adjuvants qui ne sont pas bénéfiques pour profiter très longtemps de sa retraite de star du ballon rond."

Le "grand OM" de Tapie. De nombreux anciens joueurs de l'OM se sont exprimés sur le dopage, dans la presse ou dans des autobiographies : Jean-Jacques Eydelie, Marcel Desailly, Chris Waddle, Tony Cascarino... Jean-Pierre de Mondenard revient ainsi sur les piqûres qui auraient été prodiguées avant la finale de la Ligue des champions face à l'AC Milan en mai 1993, sur la distribution de cachets dans le vestiaire avant le PSG-OM de décembre 1992 telle qu'elle a été relatée par Marcel Desailly, sur le "doping to lose" et les soupçons d'empoisonnement de l'eau des joueurs du CSKA Moscou en 1993, mais également sur des affaires moins connues. Ainsi de ce Marseille-Rennes de décembre 1991, lorsque deux joueurs rennais avaient dans leur organisme "assez d'anxiolytiques pour dormir quarante-huit heures"...

Le fameux sang de veau. Dans un chapitre très instructif, l'auteur revient sur l'historique de l'Actovegin, sang de veau déprotéiné qui fut au cœur de l'affaire Vieira durant l'Euro 2008. A l'époque, le milieu de terrain des Bleus avait pensé y avoir recours pour guérir d'une blessure à une cuisse. Interdit dans certains pays, prescrit par certains clubs, autorisé dans certains cas et pas dans d'autres, l'Actovegin incarne jusqu'à la caricature le caractère nébuleux des règlements antidopage. Le "flou réglementaire (est-il volontaire ?) entre l'injection intraveineuse prohibée et l'administration du même produit par une piqûre dans une lésion musculaire qui, elle, est autorisée, ne peut être que préjudiciable à la lutte antidopage."

Fléaux italiens. La sclérose latérale amyotrophique ou SLA. Cette mystérieuse maladie, qui touche la moelle épinière, a causé la mort de quarante-huit anciens joueurs de foot italiens entre 1980 et 2008, avec un taux de mortalité lié à cette maladie six fois supérieure à la population italienne. Sans négliger les autres facteurs d'explication (fréquence des coups à la tête, désherbants des pelouses), Jean-Pierre de Mondenard met en avant la gangrène du dopage dans le football italien, ce même football italien qui, quelques années plus tard, sera éclaboussé par le procès de la Juventus. Dans les vestiaires des Bianconeri, on retrouva 281 sortes de médicaments différents.

Le cas Zizou. Lors des auditions du procès de la Juve, Zinedine Zidane avoua avoir pris durant sa période turinoise (1996-2001) de la créatine, produit interdit en France mais alors en vente libre en Italie. Mais Jean-Pierre de Mondenard fait également remarquer que "Zizou" se serait vu prescrire de l'Esafosfina et du Neoton, un médicament "utilisé dans le cadre de problèmes cardiaques sévères". Pour ces deux derniers produits, le meneur de jeu de la Juve avait légitimé leur absorption par une carence en fer dans son organisme. "Cette mise au point interpelle car, en vérité, il n'y ni fer ni vitamine B9 dans la composition des deux spécialités pharmaceutiques."

Enfin, concernant la station thermale du Tyrol que "ZZ" aurait partagé avec Johnny, l'auteur laisse entendre qu'elle n'avait sans doute rien du "spa amélioré" mais davantage les allures d'un "lieu de réoxygénation du sang", avec force transfusions autologues.

Dans cet ouvrage-compilation, à la fois d’affaires et de déclarations, Jean-Pierre de Mondenard ne fait pas de révélation. Sa démarche est avant tout celle d'un "décodeur" comme il aime à se définir, celle d'un médecin qui entend mettre ses connaissances au service du public sur des affaires célèbres. Son objectif consiste à révéler l'hypocrisie générale autour des pratiques dopantes dans le football, sans jeter la pierre à ce sport en particulier. Le rappel de toutes ces affaires, plus ou moins connues, laisse un goût amer dans la bouche. Pour peu, bien sûr, que l'on croit encore à un football "propre"...

Dopage dans le football, de Jean-Pierre de Mondenard, Jean-Claude Gawsewitch Editeur, 380 pages, 19,90 euros.