Théorie du genre : un rapport de l'OMS à l’origine de la rumeur

Sur la page Facebook du collectif "Journée de Retrait de l'Ecole", les mobilisations sont organisées presque tous les jours.
Sur la page Facebook du collectif "Journée de Retrait de l'Ecole", les mobilisations sont organisées presque tous les jours. © DR
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Damien Brunon , modifié à
Un rapport controversé de l’OMS a été repris par l’extrême-droite pour lancer un appel au boycott auprès de parents d’élèves.

L’INFO. Les enfants vont-ils se voir enseigner la “théorie du genre” à l’école ? La question agite depuis quelques semaines notamment dans la communauté musulmane française. En tout, c’est une centaine d’écoles qui sont perturbées par des absences liées à cette polémique selon le ministère de l’Education nationale. Alors que le gouvernement n’a prévu aucune réforme, des militants d’extrême-droite utilisent un rapport de l’OMS de 2010 pour faire peur à certains parents. “J’ai lu des choses comme le fait qu’à l’école, on apprendrait aux petits garçons à devenir de petites filles. Tout cela est absolument faux, s’étonne le ministre de l’Education, Vincent Peillon, au micro d’Europe 1.

Les faits. Depuis plusieurs semaines, de mystérieux SMS sont transférés entre les portables de certains parents d’élèves. “Ils vont enseigner à nos enfants qu’ils ne naissent pas fille ou garçon, mais qu’ils choisissent de le devenir”, détaille l’un d’eux. Ces messages invitent les parents à retirer leurs enfants de l’école une fois par mois pour protester contre une potentielle réforme qui viendrait instaurer la “théorie du genre” à l’école, principe fourre-tout selon lequel la sexualité ne serait pas quelque chose d’inné, mais d’acquis.

Un rapport controversé de l’OMS. Plus concrètement, les parents sont surtout inquiet des conséquences que pourrait avoir l’instauration d’une réforme supposée. Nombreux sont ceux qui croient savoir que les indications prescrites dans un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé de 2010 seraient reprises.

Ecrit en Allemagne, ce rapport, intitulé “standard pour l’éducation sexuelle”, n’avait pas fait de remous en France avant sa traduction en 2013. Il y est évoqué le fait que “l’éducation sexuelle (et relationnelle) devrait être obligatoire”, mais aussi les différents stades d’apprentissage pour chaque tranche d’âge. Ainsi, le rapport invite les enfants à pratiquer dès le plus jeune âge “le plaisir et la satisfaction liés au toucher de son propre corps, la masturbation enfantine précoce”.

Le chemin de la rumeur. C’est à partir des préconisations de ce rapport, jamais évoqué par le ministre de l’Education, que l’affaire a été récupérée. Mi-décembre 2013, un collectif, “Journée de Retraits de l’Ecole” (JRE), lance un site et invite les parents à retirer leur enfant une fois par mois de l’école en signe de protestation contre l’hypothétique réforme.

Sur son site et sur sa page Facebook, le collectif organise des journées de mobilisation quasiment tous les jours, à Metz ou Nantes le 27 janvier, à Marseille le 28, par exemple. Il diffuse également des listes de référents par région et leurs numéros de téléphone. En tout, ce sont plus de 60 militants partout en France qui ont en charge de diffuser des tracts.

Cornaqué par l’extrême droite. Le collectif JRE, qui était présent lors de la manifestation du “Jour de Colère” à Paris, est en fait soutenu par Egalité et Reconciliation, l’association dirigée par Alain Soral, le polémiste et maître à penser de Dieudonné.

Organisé autour de Farida Belghoul, une ancienne militante anti-raciste des années 80, il tente de rassembler des forces dans les milieux musulmans. Dans des vidéos, celle qui est toujours institutrice, explique ses positions, non sans emprunter les raccourcis diffusés dans la plupart des messages que l’on trouve aujourd’hui sur les portables des parents à l’entrée des écoles.

Farida Belghoul sur la théorie du genrepar ERTV

Les musulmans comme cible principale. Selon le président de la fédération de parents d’élèves FCPE, Paul Raoult, il ne fait aucun doute que ce sont les populations musulmanes qui sont visées en priorité par ces messages. Certains parents lui ont fait part de tracts traduits en turc. “Ce qui est malhonnête, c’est que ça vise des populations qui ont du mal à avoir l’information, confirme-t-il à Europe 1. C’est fait pour des personnes qui ne savent peut-être pas lire en français”.

L’émoi est confirmé par les réactions fortes sur Internet. “Contrairement au mariage pour tous, où la mobilisation était quasi nulle chez les musulmans, là, elle est très forte, parce que ça touche aux enfants”, explique Fateh Kimouche, le fondateur de Alkanz.org, l’un des premiers médias communautaires des musulmans français, à Europe1.fr. “Il y a énormément de personnes qui sont très inquiètes, ajoute-t-il. Dans un commentaire de l’un des articles que j’ai publiés, une maman m’a même dit qu’elle s’était mise à pleurer”. Selon lui, le discours des personnels de l’Education nationale fait néanmoins effet. “La nouveauté est que ça touche de jeunes parents qui vont beaucoup sur Internet et qui n’hésitent pas à faire le lien entre ce qu’ils lisent en ligne et ce qu’ils vivent dans la vie. Très concrètement, ce sont des parents qui sont allés voir leurs directeurs et leurs enseignants”, confirme-t-il.

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