Soigner son cancer à la maison ?

Certains cancers se soignent désormais par voie orale.
Certains cancers se soignent désormais par voie orale. © maxPPP
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Noémi Marois , modifié à
SANTÉ - Le 1er congrès de la Société Française du Cancer s'est ouvert mardi et il aborde une thématique révolutionnaire : soigner son cancer à domicile. 

Quand "cancer" ne rime plus avec "hôpital". Les soins à domicile des malades du cancer sont au cœur du 1er congrès de la Société française du Cancer, organisé mardi et mercredi par les grands acteurs de la lutte contre le cancer. 1.500 médecins et chercheurs sont réunis pour échanger sur cette maladie qui touche 355.000 personnes chaque année et en tue 148.000. 

La cancérologie du futur. "Nous sommes aujourd'hui à une croisée de chemins, nous pouvons faire le choix d'hospitalisation à domicile grâce à de nouveaux traitements", nous explique le Professeur Pierre Fumoleau, vice-président du groupe hospitalier UniCancer et oncologue au centre Georges-François Leclerc de Dijon. Ainsi, détaille-t-il, la chimiothérapie traditionnellement faite par intraveineuse peut se faire maintenant par voie orale, c'est-à-dire avec une prise de médicaments. La lourdeur du traitement est variable, il peut aller jusqu'à trois cachets matin et soir pendant 15 jours, à renouveler selon les besoins sur une période de plusieurs mois. 

Si simple que ça ? La clef de la réussite du dispositif dans les établissements UniCancer, c'est la coordination entre quatre acteurs principaux. Le Professeur Fumoleau précise encore à Europe1.fr : "une fois le malade à la maison, son oncologue remet à son médecin traitant un Plan Personnalisé de Soins du patient comprenant résultats d'analyse et détail du traitement. Le Plan est actualisé à la moindre modification, même minime. Le troisième acteur est l'infirmière dite "de coordination". De l'hôpital, elle appelle tous les mois la patiente pour faire le  point et s'assurer de la bonne prise médicamenteuse. Le dernier acteur, le pharmacien surveille et peut alerter sur les effets secondaires." Sans compter que pour son renouvellement de chimio par voie orale, le patient a une consultation classique avec un oncologue à l'hôpital.

"C'est formidable !" Marie-Jeanne Saint-Pay, 79 ans, a appris il y a cinq mois qu'elle avait un cancer du sein. Après avoir subi une opération chirurgicale, elle suit aujourd'hui une chimiothérapie en partie à domicile et ne se rend qu'une fois par mois au centre hospitalier Georges-François Leclerc de Dijon. Elle reçoit aussi tous les trois mois la visite de son médecin traitant. "Il connaît tout des avancées de ma maladie avant même que je lui dise, c'est l'hôpital qui lui envoie tout", explique-t-elle. Régulièrement, une infirmière de coordination l'appelle pour savoir si tout va bien. 

L'idée de suivre tout son traitement à l'hôpital n'emballait pas cette patiente : "À l'hôpital, tout dure plus longtemps. Et puis, on est avec des malades comme nous, des petites jeunes qui ont des enfants à élever et qui ont des cancers. C'est des choses très pénibles à supporter."

Marie-Jeanne Saint-Pay peine à trouver les mots pour exprimer sa satisfaction : "Je tricote, je lis, je fais mes mots-croisés, un peu de télé. Je vais aussi faire des petites courses à l'épicerie du coin. J'attends mais au moins je suis chez moi !". Sans compter qu'un de ses fils vit à côté de chez elle et passe la voir plusieurs fois par jour. Peut-être moins facile à faire si elle avait été à l'hôpital. 

Pourquoi ça coince ? Soigner son cancer à domicile ne concerne encore qu'une minorité des malades aujourd'hui en France. Le premier frein est lié à la recherche médicale. Aujourd'hui, seul le cancer du sein, de la prostate et le cancer du poumon du non-fumeur peuvent être concernés par les soins à domicile car les traitements par voie orale y sont les plus efficaces. Pour les autres cancers, il faudra encore attendre les avancées des recherches thérapeutiques.

Le deuxième obstacle est financier. Aujourd'hui, les hôpitaux dépendent pour leur budget de l'Assurance Maladie qui leur verse des sommes d'argent correspondant aux actes médicaux effectués. Or, si une chimio dans ses locaux rapporte à l'hôpital jusqu'à 450 euros, une consultation pour un renouvellement de chimio par voie orale n'est payée que 28 euros. Rien n'incite donc les médecins à soigner leurs patients à distance.

Mais Pierre Fumoleau est optimiste : "C'est en train d'évoluer, l'Assurance Maladie réfléchit au problème." Un chiffre pourrait la motiver. UniCancer prévoit  qu'en généralisant les soins à domicile pour les cancers, les hôpitaux libéreraient des places. Une économie intéressante en période de pénurie de lits hospitaliers.

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