Un sommet social, pour quoi faire ?

Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a lancé mardi la première étape de ses consultations en vue des réformes sociales du quinquennat recevant à tour de rôle les leaders des syndicats et du patronat sur fond de vives craintes de multiplications de plans sociaux.
Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a lancé mardi la première étape de ses consultations en vue des réformes sociales du quinquennat recevant à tour de rôle les leaders des syndicats et du patronat sur fond de vives craintes de multiplications de plans sociaux. © MAXPPP
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Jean-Marc Ayrault a lancé la première étape du marathon des réformes sociales du quinquennat.

Il n'a aucune existence institutionnelle et pourtant, le sommet social est devenu un rendez-vous incontournable sous la 5e République. A chaque début de mandature, le pouvoir nouvellement élu invite les interlocuteurs sociaux, syndicats et patronat, à se réunir autour de la table. Une rencontre appelée à se répéter au fil du quinquennat, avec plus ou moins de succès. Les syndicats attendaient beaucoup du dernier sommet social organisé par Nicolas Sarkozy en janvier 2012. Ils sont sortis de l'Élysée déçus.

A quoi sert dès lors ce genre de grand-messe ?

# Une forme d'affichage

Partir du bon pied. Tout nouveau pouvoir en place en est conscient : il faut se mettre les syndicats dans la poche dès le mois de mai. Ne serait-ce que pour éviter une première rentrée sociale agitée. Nicolas Sarkozy s'y était employé au lendemain de son élection en 2007. Les rapports entre le président fraîchement élu et les organisations syndicales sont alors au beau fixe. Un climat de confiance facilité par l'entregent de Raymond Soubie, alors conseiller social à l'Elysée. La réforme de la représentativité syndicale en 2008, favorable à la CGT et à la CFDT, finit de convaincre les deux grandes centrales de la possibilité d’une bonne entente avec le chef de l’Etat. Mais la crise, la réforme des retraites ont changé la donne. Plus méfiants, les syndicats sont clairement devenus la cible du candidat Sarkozy pendant la campagne présidentielle. Ce dernier s'en prend aux "corps intermédiaires" qui "font écran entre l'Etat et le peuple". Lesquels le lui rendent bien. Dès avant le premier tour, la CGT appelle ainsi à voter contre Nicolas Sarkozy.

Le gouvernement Ayrault n'entend pas faire la même erreur. Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a lancé mardi l'acte I du dialogue social. Des rendez-vous individuels d'une heure avec chaque organisation représentative. Ces consultations seront suivies la première semaine de juin d'une conférence "sur la méthode" à Matignon, pour définir les chantiers à inscrire au menu de la grande conférence sociale, prévue avant le 14 juillet à l'Elysée. "Concertation", conférence sur la méthode…le Premier ministre veut donc en mettre plein les yeux aux partenaires sociaux. Lesquels ne boudent pas leur plaisir. "Je sens un dialogue social normal", a confié mardi avec un sourire, Jean-Claude Mailly de Force Ouvrière.

Travailler main dans la main avec les syndicats ? C'est aussi ce que promettait Nicolas Sarkozy dans les six mois suivants son élection. Ne déclarait-il pas en septembre 2007 :"ma porte [leur] est toujours ouverte et le restera. Je les connais bien : ce sont des gens de ma génération, c'est-à-dire assez expérimentés pour avoir constaté les failles du système et assez jeunes pour avoir envie de bouger les choses."

# Sur le fond

Déterminer les grands chantiers sociaux. A chaque sommet social ses grandes thématiques. En 2007, il s'agissait des retraites et du service minimum dans les transports. En janvier dernier, après la perte du triple A, le sommet social annoncé par Nicolas Sarkozy se transforme en sommet de "crise". Au cœur des discussions : le très controversé dispositif compétitivité-emploi et la TVA sociale. Les syndicats restent sur leur faim.

"Priorité n°1" du sommet social sous l'ère Ayrault : l'emploi. Selon un sondage publié mardi, 58% des Français en font le dossier prioritaire. A partir de mardi et dans les semaines à venir, syndicats et gouvernement discuteront donc du retour à la retraite à 60 ans dans certains cas, d'une éventuelle augmentation du Smic et de la très brûlante question des plans sociaux.

# Un rapport de force

Faire pression sur le gouvernement. Pour les syndicats, chaque sommet social est l'occasion d'avancer ses billes et de peser sur les choix de l'exécutif. Pour FO et la CGT, il s'agit aujourd'hui de pousser le gouvernement Ayrault à donner un fort coup de pouce au Smic. Y voyant un danger pour l'emploi, la patronne du Medef va tenter de faire barrage. Objectif : convaincre" le gouvernement "d'amender" un certain nombre de projets, à commencer par le "coup de pouce" promis au Smic.

# Un enjeu politique

Mobiliser son électorat. Derrière tout sommet social se cache une stratégie politique. Lorsqu'il organise en janvier dernier un sommet à moins de 100 jours de la présidentielle, Nicolas Sarkozy a une idée en tête : remobiliser son électorat. Sondages en berne, chômage à niveau record, perte du triple A…c’est un sommet social en forme de va-tout pour le président sortant. En imposant aux syndicats son calendrier, le chef de l’Etat envoie alors un signal à son socle électoral traditionnel : rappeler que dans la "maison France", il n’y a qu’un seul patron, Nicolas Sarkozy.

Pour le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, les législatives sont un rendez-vous à ne pas louper. Les différentes consultations prévues jusqu'au grand sommet social de juillet doivent donc répondre aux promesses de campagne de François Hollande. De quoi mobiliser aussi l'électorat de gauche les 10 et 17 juin prochains. >> Les principes de la méthode Ayrault, à lire ici.

# Une issue incertaine

Des avancées ou pas. La question se pose à chaque fois : le sommet social annoncé va-t-il tenir ses promesses ? A chaque nouveau rendez-vous son lot d'avancées et de déceptions. En février 2010, les partenaires sociaux et l'exécutif arrivent ainsi à se mettre d’accord sur des mesures pour les chômeurs en fin de droits. Deux ans plus, tard, le sommet social est une déception. La grande concertation annoncée se transforme en une réunion de quelques heures, où le chef de l'Etat a décidé seul de la feuille de route des discussions. Les syndicats dénoncent alors une opération politique.  Et malgré quelques avancées, notamment sur le chômage partiel, ce sommet n'a pas fait pas bouger les lignes sur les dossiers clés, comme la TVA sociale. Seul le Medef en ressort le sourire aux lèvres, et salue une "réunion très riche" et "très diverse".