Taubira a-t-elle voulu "virer" le procureur général de Paris ?

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et Alain Acco , modifié à
POLÉMIQUE - Christiane Taubira aurait voulu muter le procureur général de Paris, François Falletti. L'USM dénonce cette pratique.

François Falletti, le procureur général de Paris, est-il dans le viseur de Christiane Taubira ? C’est en tout cas ce qu’affirme Le Canard Enchaîné. L’hebdomadaire satirique rapporte dans son édition de mercredi que le magistrat a été convoqué au ministère de la Justice, où il s’est vu demander par les directeurs du cabinet de la garde des Sceaux de démissionner de ses fonctions. Cette version est confirmée par le principal intéressé mais démentie par la Chancellerie. Europe1.fr refait le match.

Fermeté et insistance. Selon le magistrat, joint par Europe 1, l’affaire est simple : on l’a invité à quitter ses fonctions, et on l’a fait avec fermeté et insistance, pendant trois quarts d’heure, en lui proposant en échange un poste à la Cour de cassation. Tout ça pour, d’après lui, laisser la place à quelqu’un qui aurait une sensibilité plus proche de Christiane Taubira. François Falletti a d’ailleurs écrit à la ministre de la Justice une lettre pour "dénoncer des mauvaises manières" et a fait parvenir une copie du courrier aux deux responsables du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). L’homme se défend d’être un magistrat de droite, mais il sait qu’il en a la réputation. Il a en effet été nommé sous la présidence de Nicolas Sarkozy, en 2010, non sans surprise. Un "mandat" pour sept ans, mais il n’a jamais caché son désir de partir à la retraite en juin 2015.

>> La réaction de Christiane Taubira à l'Assemblée mercredi :  La ministre de la Justice, Christiane Taubira, s'est défendue mercredi d'avoir voulu muter le magistrat pour des raisons politiques. "Il a été invité à cet entretien, qui est tout à fait classique, par la direction de mon cabinet", a déclaré la ministre, interrogée par le député UMP Georges Fenech à l'Assemblée nationale.

13.11 Christiane Taubira 930620

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L'USM dénonce "des pratiques scandaleuses". "Ce sont des pratiques scandaleuses qu'on a connues sous la précédente majorité", s'est indigné Christophe Régnard, président de l'USM, l'Union syndicale des magistrats au micro d'Europe 1. "Le prédécesseur de François Falletti avait été viré dans les mêmes circonstances par la majorité Sarkozy parce qu'il était probablement trop chiraquien", a-t-il ajouté. "La logique voudrait que madame Taubira renonce à ce projet fou", a poursuivi le syndicaliste rappelant au passage que la garde des Sceaux insiste depuis 18 mois sur l'indépendance des procureurs, et déplorant qu'elle ne s'attache pas "à mettre ses actes en corrélation avec ses paroles".

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Un limogeage est-il possible ? Le fait est que Christiane Taubira n'a pas le pouvoir de limoger le procureur général. La seule solution qui s'offre à la Garde des sceaux, si sa volonté est avérée, est d'entamer une procédure disciplinaire dite de "déplacement dans l'intérêt du service", a relevé Christophe Régnard. "Mais il va falloir trouver des choses à reprocher à François Falletti", note-t-il, avant d'ajouter : "si on lui a fait des pressions pour qu'il parte, c'est probablement que Christiane Taubira n'a strictement rien à lui reprocher particulièrement, si ce n'est peut-être de ne pas être assez proche d'elle".

30.09 Des magistrats en robe rouge. 930620

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M. Falletti a mal compris, selon la Chancellerie. Au ministère de la Justice, on rétorque que François Falletti a mal interprété sa convocation. Il lui a été fait une proposition de fin de carrière, une proposition qu’il rejetée et donc il restera en place. "Il est rentré procureur général dans le bureau, il en est ressorti procureur général et il le restera", a indiqué l’entourage de la ministre.

"Exploitation politicienne", selon Vallaud-Belkacem.  "J'ai l'impression qu'il y a quand même une exploitation politicienne qui est faite de l'entretien que ce magistrat a eu, qui est extrêmement choquante", a commenté de son côté Najat Vallaud-Belkacem, la porte-parole du gouvernement, après le Conseil des ministres. "De quoi parle-t-on exactement? On parle d'un entretien d'un haut magistrat avec la Chancellerie pour envisager un mouvement important de départs à la retraite qui est en train de se préparer et pour qu'on puisse lui proposer un poste qui se libère par ailleurs. Cette proposition, le procureur général de Paris l'a refusée, les choses s'arrêtent là", a-t-elle tranché.

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